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dimanche 22 mai 2016

Eugène Leblay, militant laïque et maire


Je n'ai pas beaucoup connu Eugène Leblay. Il était présent à la cérémonie du centenaire de ma grand-mère, en décembre 1995. Il n'était plus maire de Guémené à ce moment-là, ayant, après douze ans de mandat, décidé de se retirer et de ne pas se représenter au scrutin de juin de cette même année.

Evidemment, son successeur était présent à la maison de retraite pour honorer la doyenne. Mais ma grand-mère avait tenu à ce que Eugène Leblay, son maire, soit convié, considérant que lui seul possédait toujours cette qualité.

Eugène Leblay était de la même génération que ma mère. Elle le connaissait bien et l'associait à un événement de sa jeunesse qui l'avait profondément marquée puisqu'à la fin de sa longue vie elle en parlait encore, elle qui était si peu prolixe sur les événements de son passé lointain.

Bien qu'elle ait fait sa scolarité à l'école soit disant libre de Guémené, ma mère avait passé et réussi le brevet laïque. Elle était donc venue chercher son premier (et dernier) diplôme à l'école de garçons. Elle s'adressa au directeur de cet établissement qui, avec des mots peu amènes la rabroua parce qu'elle venait de l'autre école, l'école des curés. Ensuite, ce "brave" homme reprit le cours normal de ses activités qui consistait apparemment à préparer un jeune garçon à son avenir brillant de futur instituteur. Ce garçon était Eugène Leblay.


Celui qui devait un jour devenir le premier maire socialiste de Guémené était né le 15 janvier 1920 d'un père cantonnier et d'une mère agricultrice (quoique déclarée "ménagère" sur le registre de naissance).

Après des études primaires à Guémené (semble-t-il à l'école publique), il partit au collège à Nantes avant d'entrer à l'Ecole Normale Supérieure de Laval (promotion 1938-1941) où il obtint le brevet supérieur.

Sa carrière, ses trente quatre années d'instituteur vont se passer entièrement en Mayenne. Il est d'abord nommé pour un cours complémentaire à Laval-même en 1941 ; puis entre 1942 et 1945 à Meslay-du-Maine et enfin à partir de 1945 jusqu'en 1975, il sera directeur de l'école du Buret, petite commune de trois cents habitants. L'école du Buret porte le nom de son ancien directeur.

Eugène Leblay se marie avec une cultivatrice à Guémené en 1942. Son épouse l'accompagne ensuite dans ses affectations, participant à la gestion de la cantine scolaire.

Eugène Leblay, militant politique, associatif, mutualiste et syndical, a été un homme engagé depuis sa jeunesse.

Il adhère au Syndicat national des instituteurs (SNI) en 1945 au sein ou au nom duquel il prend de plus en plus de responsabilités.

Élu largement pour la première fois au conseil syndical de la section mayennaise de ce syndicat le 28 novembre 1950, il est intégré à la commission de défense laïque. 

Peu après, le 18 novembre 1952, il est facilement élu aux élections à la Commission Administrative Paritaire Départementale (CPAD), instance chargée, dans la fonction publique, de l'examen des situations individuelles.

Son mandat au conseil syndical de la section mayennaise du SNI fut confirmé à la même date et on lui confie alors la responsabilité du Secrétariat de la Commission des Affaires Corporatives. Cette confiance et cette responsabilité lui seront renouvelées au cours des années suivantes au détour de nombreuses réélections : 1954, 1956, 1959, 1963...

A noter qu'au sein de la Commission Administrative Paritaire, il se chargea plus particulièrement d’étudier les barèmes de mutation. Ce qui, évidemment, fait rêver.

Eugène Leblay est également élu au Conseil départemental de l’enseignement primaire en 1961. 

En mars 1965, à l’occasion du renouvellement du conseil syndical, il est élu sur la liste réunissant majoritaires et ex-cégétistes contre celle présentée par le courant de « l’École émancipée ». Ce dernier courant représentait la tendance la plus à gauche : Eugène était donc un modéré.

Réélu à la CAPD en 1965, il en démissionna le 16 février 1966, afin de protester contre les décrets gouvernementaux qui ôtaient à cette instance un contrôle des nominations aux postes de direction, pour les confier aux seuls recteurs.

Lors du renouvellement du conseil syndical en mars 1967, les trois tendances représentées dans la section syndicale mayennaise du SNI décidèrent de se présenter séparément, sous leur propre programme.

La tendance majoritaire à laquelle Eugène Leblay appartenait, remporta la majorité des sièges, ce qui permit à ce dernier de conserver la responsabilité de la Commission des Affaires Administratives. 

Son mandat fut reconduit en mars 1969. À l’assemblée générale de la section du 18 juin 1970, le rapport d’activité départemental fut mis en minorité par « l’École émancipée ».  L’ensemble du conseil syndical démissionna la semaine suivante. Mais aux élections qui suivirent en novembre 1970, Eugène retrouva son mandat, ainsi qu'aux élections de 1971. 

Il ne se représenta pas lors du renouvellement de mars 1975, année de sa retraite.


Eugène Leblay milita également dans le monde mutualiste et notamment à la Mutuelle générale de l’éducation nationale où il appartint au comité de section départementale de 1960 à 1975.


Eugène Leblay adhéra aux Jeunesses Socialistes en 1935 puis au Parti Socialiste SFIO en 1936. Il milita d'ailleurs toute sa vie dans les partis socialistes. Secrétaire de la section du Buret en 1954, il était membre de la commission exécutive fédérale. Le 25 novembre 1969, il signa un appel pour le congrès de la nouvelle fédération du nouveau Parti Socialiste.

Après sa retraite, Eugène Leblay quitta Le Buret pour rejoindre Guémené-Penfao où il fut élu conseiller municipal socialiste de 1977 à 1983, puis maire en 1983, réélu en 1989, agrégeant autour de lui les filières laïques locales (il fut Président de l'Amicale Laïque de Guémené de 1977 à 1983). 

En 1985, il prit la suite de Gaston Herrouin, conseiller général du canton de Guémené-Penfao et enseignant agricole populaire et pittoresque, qui s'était suicidé quelques jours plus tôt, en recueillant dès le premier tour 61% des suffrages. 

Le 1er février 1986, il fut mis à l’honneur par la fédération PS de Loire-Atlantique, qui organisa en marge de la campagne électorale des législatives et des régionales, un rassemblement militant à Guémené-Penfao à l’occasion du cinquantenaire du Front Populaire.

En 1986, Eugène Leblay figurait sur la liste socialiste aux élections régionales, en position non-éligible. Dans la circonscription de Châteaubriant, il fut le suppléant de Martine Buron, aux élections législatives de juin 1988, défaite de 381 voix au second tour.

En 1992, il fut battu au renouvellement cantonal par le centriste Yannick Bigaud, speaker du Football club de Nantes qui emporta la mairie de Guémené-Penfao lors du retrait de Eugène Leblay en 1995.

Ses mandats à Guémené ont été marqués par la réalisation de la salle de sports, l'agrandissement de la salle des fêtes, la rénovation de l'école publique et le déblocage des fonds pour l'extension de la Résidence pour personnes âgées.

Eugène Leblay, dont une rue de Guémené port le nom, disparaît le 15 mai 2005.

Evidemment, cette biographie met l'accent sur le militant et l'homme privé, intime, disparaît un peu derrière son engagement. Pourtant, Eugène avait d'autres passions qu'il serait dommage de passer sous silence, notamment celle de la pêche.

Alors pour clore cet hommage, finissons par un exploit gratuit d'Eugène jeune homme et étudiant.

On apprend ainsi que ce fils de cantonnier "des Ponts et Chaussées" captura, en septembre 1938, dans le Don - cette merveilleuse petite rivière qui coule chez nous, un brochet de près d'un mètre long pesant plus de quatorze livres...

Pardonnez-lui Seigneur car il a beaucoup péché...























source principale :

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article137005, notice LEBLAY Eugène, Marie par Jacques Cousin, version mise en ligne le 12 mai 2011, dernière modification le 16 juillet 2011.

dimanche 1 mai 2016

Le Vélodrome


Il y a quelques années déjà, les pelleteuses ont fait disparaître ce qu'il restait d'un monument de Guémené : la piste du vélodrome a été détruite. Une partie du patrimoine guémenéen a disparu. En quelques jours, le vélodrome Joseph-Haugomat a été la proie des pelleteuses, après 88 ans d'existence.

Le vélodrome a été construit en 1923, avec une piste en terre battue, et inauguré à l'Ascension de l'année suivante. Il a connu une première période florissante jusqu'en 1939, avec la participation des as de la petite reine du coin, les meilleurs pistards régionaux animant les réunions diurnes qui étaient organisées régulièrement.

Pendant la guerre de 1939-1945, le vélodrome est détruit par les Allemands qui défoncent la piste pour y faire des abris.

En 1947, sous l'impulsion de Joseph Haugomat, animateur de la Pédale guémenéenne, une piste en cendrée fut reconstruite. On retiendra que cette année-là, Jean Robic, vainqueur du Tour de France, dut s'incliner devant le régional Lucien Tulot venu en voisin (il est de Pierric, donc tout à côté de Guémené)...

Ci-dessous la photo de cet événement marquant où le petit gars du coin s'apprête à "sauter" le grand Robic, photo qui m'a été transmise par son fils que je remercie vivement (un article sera consacré à la carrière de Lucien Tulot prochainement). 

On appréciera par ailleurs l'état du terrain et on versera une larme sur la minoterie Lucas à l'arrière-plan, autre monument local abattu par les pelleteuses...















Puis la piste fait à nouveau l'objet de travaux pour relever les virages et, en 1950, elle est cimentée. En 1951, l'éclairage est installé et la première nocturne organisée, le 15 août de cette même année.

Ensuite, chaque année, deux réunions sont organisées, à l'Ascension et au 15 août, en nocturne, avec en clôture un superbe feu d'artifice. Chaque soirée était alors une véritable fête populaire et familiale. 

La Pédale guémenéenne a pu proposer des plateaux de qualité en retenant les coureurs qui s'étaient mis en évidence dans le Tour de France et les meilleurs pistards mondiaux.

Le vélodrome de Guémené-Penfao a ainsi connu ses années fastes à partir de 1963. Cette année-là, le belge Benoni Beheyt, sacré champion du monde le 11 août, effectua sa première sortie paré du maillot le 15 août, à Guémené-Penfao !

Chaque année des coureurs qui se mettaient en évidence dans le Tour de France venaient participer à cette soirée.

C'est ainsi que se sont produits tour à tour sur l'anneau de Guémené : Jacques Anquetil, Raymond Poulidor, Cyrille Guimard, Roger Pingeon, Lucien Aimar, les frères Groussard, Jean Malléjac, Bernard Thévenet, Patrick Sercu, Bernard Hinault, Laurent Fignon, Ronan Pensec, les frères Madiot et bien d'autres.

En 1969, deux réunions avaient été organisées. La première l'après-midi du Jeudi de l'Ascension avec la participation des médaillés des Jeux olympiques de Mexico, les Trentin, Morelon, Rebillard et Rousseau à qui étaient opposés les meilleurs régionaux dont notamment Jean-Yves Lebreton. 

Au 15 août de la même année, le Belge Ferdinand Bracke, champion du monde de poursuite, Lucien Aimar, vainqueur du Tour de France, Rolf Wolfschol, champion du monde de cyclo-cross tenaient la vedette et Cyrille Guimard apportait la contestation.années suivantes

Mais le record d'affluence se produit au 15 août 1971, lorsque 6 000 spectateurs sont venus encourager Raymond Poulidor.

J'ai encore dans l'oreille les primes aux coureurs offertes par les commerçants du bourg qu'annonçait  au micro le speaker, tous montants données en nouveaux et en anciens francs...

Chaque réunion se terminait donc par un superbe feu d'artifice... C'était la fête. A plus de cent kilomètres à la ronde on parlait de la nocturne du 15 août à Guémené-Penfao et on se déplaçait ! On se souvient qu'après les courses, au milieu de l'anneau de course, un vélo s'enflammait, ses roues projetant dans la nuit des étincelles blanches.

Mais les années ont passé, les budgets ont été de plus en plus lourds et difficiles à équilibrer, entre désaffection du public et exigences financières des coureurs. La date du 15 août a été abandonnée...

Et le 28 juillet 1990, la réunion commentée par Daniel Mangeas, speaker officiel du Tour de France ne mobilisait plus que 1 500 spectateurs. Certes, Ronan Pensec, Thierry Claveyrolat, Laurent Biondi étaient présents mais...le couperet est tombé : la réunion sur piste d'après Tour avait vécu.