Rechercher dans ce blog

samedi 25 avril 2015

Cerclé, y a rien à voir...


Le mouvement de célébrations autour de la guerre de 14 a ceci de remarquable qu'il ne s'intéresse pas à la guerre, comme on l'aurait fait scolairement, mais aux victimes. Ou à la guerre, mais à travers ses victimes. 

Pas de commémorations de généraux assassins ou de victoires aussi illusoires que mortifères, pas de discours creux : mais le souvenir ravivé de simples hommes dont il ne reste qu'un nom gravé en lettres d'or dans la pierre ou une croix blanche dans un champ lointain, des hommes qui ne demandaient rien, arrachés à leur quotidien et jetés dans la fournaise.

Il est en revanche des victimes dont on parle peu, les veuves et les orphelins, les parents, les amis.

Mon grand-père Legendre, de Lépinay, était cousin germain des trois Cerclé(r), Pierre, Jean(-Marie) et Eugène, dont le patronyme figure sur le monument au morts du cimetière de Guémené : ils avaient les mêmes grands-parents Guenet, parents de leurs mamans.

Ainsi Marie Guenet était la mère d'Eugène Cercler et de Pierre Cerclé, ses deux seuls fils, tandis que Françoise Philomène Guenet avait pour fils Eugène Cerclé.















Oui je sais bien, les noms d'Eugène et de Pierre n'ont pas la même orthographe : vicissitude de l'état-civil, humeur volatile ou statut éthylométrique incertain d'un scribe municipal....

Au passage, Françoise Philomène était aussi la maman d'une petite Marie Sidonie Cerclé qui épousa Pierre Cerclé évoqué ci-dessus.

Tout ce beau monde habitait le gros hameau de Lépinay ou celui de la Tremblais, près de la route de Redon. 

Et on se mariait entre voisins, pour ne pas dire parents, depuis belle lurette, les fiançailles se nouant sur les landes avoisinantes au détour de la garde des vaches, de sorte que toutes ces familles finissaient par n'en faire qu'une.

Jean Marie Cerclé était né le 28 décembre 1880 à La Tremblais et s'était marié en 1905 avec une première demoiselle Gilbert en 1905, avant d'en épouser une autre, sa sœur, en 1912. Il était l'aîné d'une fratrie de sept enfants et avait lui-même un fils.

On reconnaissait Jean Marie à la cicatrice qui lui barrait le front au-dessus du sourcil gauche. Châtain, doté d'un menton à fossette, rien ne le distinguait des autres "laboureurs", par ailleurs, mesurant comme chacun ou presque son un 1 mètre 60 de rigueur.

Il partit à la guerre, incorporé au 216ème Régiment d'Infanterie.  Son livret militaire ne raconte pas grand-chose de son parcours. Toujours est-il qu'il disparut le 16 juin 1916 à Bois Fumin dans la Meuse, non loin de Verdun, à l'ouest du Fort de Vaux. 

On daigna, en 1922, lui accorder quelques breloques, la Médaille militaire et la Croix de guerre avec étoile de bronze, témoignage qu'il fut un héros, selon l'idée belliqueuse qu'on s'en faisait à l'époque, que l'on cita notamment à l'ordre du régiment.

Sa sœur unique le pleura, comme elle avait pleuré sur le triste destin des deux autres Cerclé(r), ses cousins, Pierre et Eugène.

Pierre Cerclé, justement, était né le 26 décembre 1890 à Lépinay. Ce garçon châtain de 1 mètre 65 avait épousé sa cousine précitée le 12 mai 1914. 

On peut dire que ce mariage s'est fait dans une éclaircie civile de sa jeune vie. En effet, ce jeune cultivateur acheva son service militaire de deux ans en novembre 1913 et partit à la guerre pour n'en pas revenir, le 5 août 1914.

Ainsi, le 2ème classe Pierre Cerclé du 65ème Régiment d'Infanterie quitta Nantes, en ce beau mois d'été, sous les acclamations de la foule. Mais je laisse à un chroniqueur anonyme, un Joinville au petit pied, le soin de continuer cette exaltante histoire :

"...il gagne Sedan, franchit la Meuse et pénètre le 16 août en Belgique. 

Le 21, il prend contact avec les avant-gardes allemandes, à 20 kilomètres au nord de Bouillon, et, le 22 août, engagé dans la grande bataille livrée par la 4e armée française, il reçoit le baptême du feu à l'attaque des positions ennemies de Maissin. 

C’est l'époque des magnifiques charges à la baïonnette, où officiers et soldats affirment les splendides qualités de bravoure de la race. L'ennemi bat en retraite après de furieux combats corps à corps qui se prolongent fort avant dans la nuit...."

Ah, c'est beau. C'est là qu'on se dit qu'on a vraiment raté quelque chose....

C'est donc à Maissin, village ardennais du Luxembourg wallon, le 28 août 1914, après une courte mais suffisante expérience de la guerre qui dura moins d'une semaine, que s'acheva le parcours terrestre de Pierre Cerclé.

Dans le fond, il eut juste le temps de faire connaissance avec sa femme et avec la guerre. Pas d'enfant, pas de médailles pour fait d'arme, non plus...Rien...

Son frère aîné, Eugène, était quant à lui né le 15 août 1887 à Lépinay, naturellement. Ce jeune cultivateur de 1 mètre 64, aux yeux bleus, ne semble pas avoir fondé de famille avant son départ pour défendre la Patrie.

Affecté au 265ème régiment d'infanterie, il part de Nantes pour défendre Paris. Mais très vite il est dirigé vers la Somme.

C'est là, le vendredi 28 août 1914, que des soldats sont en position dans la plaine de Ginchy. Suite à un renseignement mal transmis, l’artillerie française ouvre le feu sur un secteur qu’une partie du 6e bataillon du 265e R.I. occupe encore... 

Cent quinze poilus sont tués, parmi lesquels Eugène Cercler, dans une grande communion assassine de bombes françaises et allemandes. Ils seront enterrés par les habitants du coin dans un village voisin, Guillemont, réoccupé par les Allemands.

Dans une fosse à betteraves : on fait avec ce qu'on a...et puis ces Bretons massacrés, étant tous des cultivateurs, se retrouvent, mon dieu, finalement dans leur élément...

Un monument sera érigé sur cette fosse au début des années 20, par une souscription lancée par les parents des victimes. Plusieurs des morts furent alors oubliés (dont Eugène Cercler), avant qu'une restauration récente ne permette d'y faire figurer les noms de la totalité des pauvres gars.

Enfin, la guerre d'Eugène ne fut hélas apparemment pas assez glorieuse pour mériter une médaille, ou quelque autre distinction.

Le hasard fait quand même étrangement les choses : les deux frères, Pierre et Eugène, sont morts à la même date. Bien sûr, c'est plus facile pour se souvenir....

Quand on se promène dans le cimetière de Guémené, ce que je recommande, il n'y a précisément pas beaucoup de souvenirs des Cerclé(r), sinon au moins le nom des trois jeunes gens, parmi 190 autres, gravés sur le socle du monument de Nicot.

Mais surtout, il n'y a, ni là ni ailleurs, de trace de la souffrance de Marie Sidonie Cerclé, qui perdit au cours de ce conflit son cousin germain Pierre, qui était aussi son époux ; son frère, Jean Marie ; son autre cousin Eugène, qui était également son beau-frère...

dimanche 12 avril 2015

Berthe au grand pied


Après les cartes postales colorisées du coiffeur Biziou que j'ai présentées naguère (article du 25 janvier 2015), voici celles de Mademoiselle Pinczon, toutes issues également du petit travail de collection auquel je me suis livré depuis quelque temps.

J'en possède sept qui constituent peut-être l'essentiel de la production de cette personne qui est présentée sur les cartes comme "éditeur".

Cette production se concentre sur des lieux emblématiques de Guémené (écrit avec trois accents graves dans les titres des cartes postales...) : le château de Juzet, inévitable ; la Vallée du Don, à différents endroits (Grand Moulin du bas du bourg, devant et derrière ; à Juzet) ; mais aussi des paysages "urbains" (Place Simon, Mairie, Rue de la Poste).

Ces cartes colorisées présentent une particularité par rapport à celle du coiffeur Biziou : leur aspect moiré ou strié, qui rend parfois leur examen difficile, le cliché moins précis.

Elles comportent dans plusieurs cas des animations remarquables qui, jointes à la fraîcheur (certes artificielle) des couleurs, leur confèrent une actualité et une véritable émotion.


Le château de Juzet (carte envoyée le 3 juillet 1908) : 

Le cliché est pris sur l'esplanade de l'édifice, au nord-ouest. Aucune présence humaine (encore qu'à y bien regarder, une femme pourrait bien être assise sur les marches de l'entrée) ou animale ne vient compenser l'onirisme des couleurs pastel et de ce château néo-renaissant surgi de nulle part.













Le Don à Juzet (carte envoyée en 1908) :

Le point de vue se situe au sud-ouest du château, le long du Don, face au Moulin à eau qui barre le cours de la rivière. Juste après cette retenue, le Don forme un petit lac avant de reprendre son cours vers le bourg de Guémené, situé à quelques kilomètres de là en aval.

Cette carte offre un paysage factice d'été où tout semble s'être endormi sous la chaleur, dans la pénombre bienfaisante des intérieurs clos. 

Heureusement, un détail révèle un peu de vie : un attelage composé d'une charrette tirée par deux paires de bœufs s'apprête à traverser la rivière à gué (on est donc bien en été, car sinon ce serait impossible).

























La vallée du Don avant l'arrivée au Grand Moulin (carte envoyée en 1908) :

Du Château de Juzet jusqu'au bourg (matérialisé sur le cours de la rivière par la rencontre avec le Grand Moulin), le Don longe une crête sur sa rive nord, que l'on voit sur cette carte couronnée de bâtiments importants. En effet, cette partie surélevée du bourg ("la Butte") accueille alors l'école publique de filles, édifice ocre représenté en haut à droite.

Deux barques sont amarrées à la berge où un amas grisâtre est peut-être du bois coupé.









Le Don juste après le Grand Moulin :

La photographe a posé le pied de son appareil photographique au bout du pont qui enjambe le Don au bas du bourg de Guémené (on aperçoit un morceau de parapet gris dans l'angle inférieur gauche de la carte), d'où elle domine cette rivière dont le cours s'évase momentanément.

Outre le Grand Moulin, on aperçoit la vieille passerelle qui y conduit, par où jadis on pénétrait dans la bourgade par le sud.

Au centre du cliché, on remarque une échelle accotée au mur de la meunerie à hauteur d'une ouverture médiane. Plus à gauche, le lourd et sombre profil du toit de l'église et le clocheton du Vieux Logis médiéval se découpent sur le ciel. 



















La Mairie :

Le drapeau est immobile autour de sa hampe.

La façade hiératique de la maison commune se dégage à nouveau sur un ciel serein.

Une foule mi en bourgerons et chapeaux, mi en casquettes et juvénile, se presse devant le portique et les quelques marches qui conduisent à la salle principale de la mairie : est-ce jour de marché ? Est-ce jour de conseil de révision ? Les deux ?

A gauche, de dos, un individu isolé vêtu comme un maquignon regagne l'attroupement tandis qu'un autre s'apprête à sortir des vespasiennes latérales.

Pour les bons yeux, on distingue au fond à droite l'échoppe et l'enseigne de Gravaud (Jean Baptiste), sellier et bourrelier.
























La Rue de la Poste :

La Rue de la Poste coupe d'est en ouest le bourg de Guémené. Celle qui donne son nom à cette artère se trouve à droite sur la carte postale. Tout près de l'école publique de garçons : voilà pourquoi sans doute apercevons-nous cette volée de jeunes écoliers en sarraus et bérets qui viennent de la dépasser.

Ils sont apparemment rabattus vers l'école par un homme en costume : serait-ce Hippolyte Martin, le fameux directeur de l'établissement scolaire ?

Au loin, tout au fond de la perspective, on aperçoit des femmes, une charrette, et encore plus loin, la belle maison du notaire et, qui pointe dans le ciel, un des moulins à vent de "la Butte".



















La Place Simon :

Nous voici au coeur du bourg. La Place Simon est dépouillée de l'ancienne église. La nouvelle s'aperçoit à l'arrière-plan, inachevée avec son grand fronton noir de lattes de bois goudronnées.

Des bâtisses plus ou moins hautes en bordent le nord dont, à l'angle de la rue de l'église (la nouvelle) et de la Place, la maison Cormerais fils, mécanicien, qui égrène sur sa façade toutes les bonnes choses qu'on y peut trouver : machines à coudre, écrémeuses et faucheuses, machines à battre et pressoirs. On y répare cycles et automobiles (il y en avait quelques unes)...

Une grosse lanterne est fixée au mur à hauteur du premier étage, et l'on remarque des trottoirs : le bourg est moderne et bien équipé.

De l'autre côté de la rue de l'église, à gauche : la succursale du Bon Marché tenue par madame Leroux, chapelière dont le mari et le fils sont plâtriers.

















***

Je ne sais pas qui fut exactement "Mademoiselle Pinczon". Je penche en fait pour Berthe Pinczon, née le 20 novembre 1874, à Guémené, fille de Julien Joseph Pinczon et de Marie Livinec, seule personne de ce nom qui à cette époque vive au bourg et ne soit pas mariée.

Je perds sa trace après 1906 et il est possible qu'elle soit décédée peu après, laissant une oeuvre modeste, improbable mais originale.

Originale, elle le fut assurément, pour se lancer alors dans ce passe-temps plutôt masculin, apprendre les manipulations complexes (à l'époque) de la prise de vue et du développement, faire coloriser ses épreuves, trimbaler son équipement - appareil, pied, plaques, etc... - de ci de là dans la commune sous le regard goguenard des paysans et des vaches...

In memoriam Berthe au grand pied.

lundi 6 avril 2015

La colonne du Père Joseph


On raconte que la construction de l'église de Guémené avait fini par lui monter à la sainte cafetière : Joseph Revert, le Père Joseph si l'on veut, avait tellement désiré son église, avait affronté tant de difficultés pour arriver à ses fins, que l'achèvement de cet incroyable édifice lui avait causé, dans son exaltation, une forme de transport au cerveau. 

Dire de lui qu'il avait le melon serait peu dire, car il avait au moins la pastèque : parler de montgolfière serait plus juste. 

Ne disait-il pas qu'il voulait être enterré dans l'oeuvre de sa vie ? N'avait-il pas déjà choisi l'emplacement ? N'avait-il pas déjà fait sculpter à ses propres frais la colonne au pied de laquelle sa dépouille mortelle devait venir reposer ?

Joseph Revert décéda en 1898, après vingt-deux années de sacerdoce à Guémené. Un an après sa mort, son successeur intercède auprès du Conseil municipal afin que le vœu du prélat soit accompli. Une résolution dudit Conseil est prise en ce sens, mais tout cela n'aboutit pas, la translation des restes mortels n'a pas lieu, et le vénérable reste logé dans son tombeau massif, près de la croix de granit qui orne le centre du cimetière.

Depuis, une inscription en latin, fixée à la fameuse colonne du Père Joseph, matérialise l'endroit où cet ensevelissement aurait se produire.

Je suis allé y faire un petit tour.

A hauteur d'yeux, la colonne est sculptée ou, en tout cas, offre dans des petites niches des statues de saints. Six statues par colonne. Celle chère à Joseph Revert est la première de la nef à droite en regardant le choeur, juste devant le monument aux morts. Elle est donc près de la chaire.

Puisqu'il en a financé l'ornementation, on peut penser qu'il en avait orienté les motifs et que les six personnages représentés revêtaient une importance personnelle pour ce mécène. 

On y trouve ainsi saint Joseph, son saint patron, sans grande surprise. Pour la sainte Vierge, rien à dire : tout le monde à l'époque s'y intéressait. Saint Stanislas Kotska est plus inattendu, mais peut-être est-ce un hommage aussi au collège du même nom de Nantes, fondé dans l'enfance du jeune Joseph et qu'il a pu fréquenter ?

La présence de saint Émilien, saint Louis ou saint Henri est un mystère que le brave curé a emporté dans sa tombe. En voici des photos :



























On remarque au passage que le chapiteau est également sculpté ainsi qu'une petite couronne située plus bas sur le haut pilier.















On peut se faire une idée de l'allure de l'intérieur de l'église peu de temps après le décès de son promoteur en examinant les vieilles cartes postales. En voici une dont la photographie doit dater de 1905 1910 :



Ce qui frappe d'abord, c'est l'absence de décoration sur la colonne de gauche : pas de saints représentés ni de chapiteau sculpté, contrairement à la colonne Revert à droite, en face. Les chapiteaux des piliers de la croisée de transept sont également ouvragés. Ce que confirme une approche plus détaillée de ce vieux cliché : 







On note que la chaire monumentale existait alors (sans doute présente depuis le début, 1886) et, sur la colonne qui lui fait face, qu'un grand Christ en croix était fixé (offert par le Comte du Halgouët pour la Mission de 1901).

Depuis, toutes les colonnes ont connu une décoration harmonisée : outre que leurs chapiteaux sont ouvragés, chacune héberge son lot de six saints, ainsi qu'on peut s'en aviser. Voici, pour finir cette excursion pascale, quelques photos prises hier matin alors que le soleil entrait par les grandes baies :










Le Chanoire Courgeon


Le patrimoine c'est aussi les hommes et pas seulement les pierres. Parfois, il ne reste des hommes que des pierres : on appelle cela des tombes. Au cimetière, celles des prêtres nés ou officiant à Guémené sont identifiables en ce qu'elle sont massives et qu'elles longent l'allée centrale.

Parmi celles-ci, je voudrais m'arrêter un instant sur celle du Chanoine Courgeon qui fit une brillante carrière ecclésiastique et qui, de ce fait, fit l'ornement du catholicisme guémenois à la grande charnière des XIXème et XXème siècles.

Sa tombe vaut son pesant de granit : aucune chance de s'échapper. La pierre qui la recouvre est sculptée d'une grande croix : il faut se pencher pour apprendre sur sa tranche frontale qu'il s'agit de la sépulture de "Monsieur l'abbé Henri Courgeon". La seconde ligne de l'inscription mentionne qu'il fut chanoine et, à son extrémité, on devine qu'il est question de Nantes.

Cette tombe se trouve juste devant celle de l'abbé Joseph Revert, curé de Guémené à la fin du XIXème siècle, à qui l'on doit l'église monumentale de Guémené, dont j'ai déjà largement parlé.

















Ce prélat était né le 7 janvier 1850 à Guémené, certes, mais plus précisément au Grand Moulin du bas du bourg, où son père, Auguste Courgeon était "farinier", ce qui n'est guère surprenant en ce lieu. La maman du futur ensoutané s'appelait Françoise Prier. Auguste était le fils de François, lui-même farinier en ce Grand Moulin, à son époque.

Ses parents donnèrent au bambin les doux prénoms de Henri Aimé Marie. Si l'on ne sait pas grand-chose de son enfance et de son adolescence qu'on présume studieuses et appliquées, sa carrière religieuse est en revanche plutôt documentée.

Il fut ordonné prêtre en 1874. Il entame alors un cursus orienté vers l'enseignement catholique. Il est ainsi maître d'études au Petit-Séminaire en 1875 puis à l'Ecole Normale Ecclésiastique en 1875 / 1876. Il est ensuite nommé préfet des études à Saint-Stanislas et au Petit-Séminaire en 1882 / 1885. A cette dernière date, il devient Supérieur de Guérande puis chanoine prébendé (il reçoit une paie) en 1888. Bref, une belle réussite.

On ne peut éviter de penser que sa vocation tienne à l'exemple d'un sien oncle, originaire de Guémené également, François René (ou Aimé) Courgeon.

Tonton était né le 1er pluviôse an VIII, autrement dit le 21 janvier 1800, et fut enregistré à l'état-civil (sinon baptisé) par François Maillard, prêtre révolutionnaire et premier maire de Guémené. Il était fils d'un meunier du bourg, François Courgeon.

Ce précurseur familial fut ainsi en 1825 professeur au Petit-Séminaire puis prêtre en 1827. Il suit alors un cursus d'officiant, œuvrant d'abord à Herbignac comme vicaire, puis à Piriac comme curé en 1832. Nommé curé de Notre-Dame de Clisson en 1846, il y décède le 13 décembre 1870.

Henri Courgeon porta plus haut que son oncle les couleurs de la famille dans la carrière et, comme je l'ai raconté à propos de l'inauguration de l'école Saint-Michel de Guémené lors de laquelle il prit la parole, il fut dans le département de Loire-Inférieure l'un des fers de lance de la reconquête catholique face à la laïcisation de l'enseignement.

Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin et Henri Courgeon finit lui aussi par monter au ciel. Il s'éteignit en juillet 1922 au Bon-Pasteur à Nantes, où il s'était retiré.

Les obsèques furent l'occasion d'un rassemblement de prêtres du voisinage et d'ailleurs dans le diocèse, qui formèrent dans le vaste choeur de l'église "une belle couronne". De surcroît, "tout ce que Guémené compte de vieilles familles fidèles aux traditions était représenté et accompagna le corps jusqu'au vaste cimetière où il fut déposé à l'ombre de la croix de granit qui en occupe le centre".

Le poète journaliste qui écrivit ces derniers mots précise que "c'était le vœu le plus cher de celui qu'on appelait le "bon chanoine" de dormir son dernier sommeil dans la terre natale qu'il avait tant chantée et tant aimée".

Bon ben voilà, il y est toujours.