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samedi 25 janvier 2014

Comment Gilles sortit Durand


Il est temps de s'intéresser plus en profondeur à un homme dont le nom a déjà été prononcé sur ce blog et qui présida aux destinées de cette cité pendant une bonne partie de l'entre-deux-guerres. Oh Barde, raconte-moi les exploits de ce héros indomptable...

Eléments familiaux

Gilles Durand naît le 24 septembre 1874 à Guémené : c'est le premier enfant du couple Durand / Batard (propriétaires / notaires de Campbon). Associé aux affaires familiales sans doute assez tôt (il est qualifié de "négociant" lors du Conseil de Révision en 1894). D'ailleurs il ne semble pas avoir fait beaucoup d'études (sait lire, écrire et compter, mais pas de Brevet apparemment).

Arrière-petit-fils de Gilles Durand, né à Vay le 25 janvier 1756, puis cultivateur à Dastres en Guémené, qui savait signer son nom.

Petit-fils de Gilles Durand, né au bourg de Guémené le 22 février 1802, propriétaire résidant au bourg de Guémené.

Fils de Gilles Durand, négociant en bois, officier d'Académie (pour services rendus à la jeunesse de Guémené), vétéran de la guerre de 1870, adjoint au Maire de Guémené (premier adjoint suite aux élections de mars 1888), chevalier du Mérite Agricole, né le 9 mai 1847 à Guémené, mort en sa maison du Bout des Ponts à Guémené le 26 décembre 1926.


Physique

Homme relativement grand pour son époque : 1,72 mètre. Yeux gris-verts, front fuyant, menton rond...Peut-être bedonnant...

Parcours militaire

Je ne ferai aucun commentaire (sarcastique) sur ce qui suit : profitez par vous-même...

Service militaire


Affecté soldat de 2ème classe au 154ème de ligne le 14 novembre 1895, il passe à la 20ème section de secrétaires d'Etat-Major et du Recrutement le 23 septembre 1896 par décision du gouverneur militaire de Paris du 20 août 1896. Il y achève une première carrière militaire sanctionnée d'un certificat de bonne conduite.

Guerre de 14-18

Il mène campagne, nous dit-on, contre l'Allemagne, d'abord à l'intérieur (du 4 août 1914 au février 1915), puis aux armées (du 4 novembre 1915 au 8 janvier 1919).

Classé dans les services auxiliaires pour "obésité" par décision de la commission de réforme de Nantes le 18 novembre 1914.

Sa guerre de l'intérieur contre l'Allemagne : un commission spéciale de trois médecins étrangers à son Corps d'affectation décident le 30 décembre 1914 de le maintenir aux services auxiliaires. Il est renvoyé ensuite dans ses foyers le 22 février 1915. 

Sa guerre aux armées contre l'Allemagne : c'est l'histoire d'un détaché. On le retrouve au 51ème d'artillerie le 4 novembre 1915 et est, à cette date, immédiatement détaché pour traquer l'ennemi ...à la Maison Durand à Guémené-Penfao. Puis il passe en tant que... détaché au 147ème d'infanterie, le 1er juillet 1917.


Vie politique

A peine rentré de la guerre en janvier 1919, Gilles Durand se lance dans la bataille politique.

Elections municipales de 1919 à Guémené

Trois listes sont en présence : deux listes "de droite", celles de MM. Du Halgouët (Amaury, veuf, né à Redon en 1852, propriétaire agriculteur) et de Boisfleury (soit Arthur, mort quasi centenaire vers 1940, partisan de l'Action Française selon les souvenirs de ma mère ; soit son fils Pierre, né en 1873 et décédé en 1944). Les châtelains ont obtenu respectivement une moyenne de 327 et 102 voix.

La troisième liste est une liste "républicaine", celle de Gilles Durand, qui a obtenu une moyenne de 707 voix et a été élue haut la main.

Gilles Durand obtient personnellement 703 voix ; M. du Halgouët, 392 et M. du Boisfleury, 128.

Très belle victoire d'un homme qui n'était donc pas de droite !


Elections municipales de mai 1925

Gilles Durand est réélu.

Mais hélas, le maire de Guémené doit envoyer une lettre de protestation à Ouest-Éclair, contre l'étiquette de "carteliste" qui lui a été donnée lors de son élection.

Il affirme faire partie, comme membre fondateur, de la Ligue Républicaine Nationale, un machin fabriqué par un ancien ministre socialiste passé gentiment à droite, opposé précisément au Cartel des Gauches. Gilles Durand s'insurge : "C'est dire que je ne suis pas "carteliste", ni de droite, ni de gauche...Il y a bien de la place entre....".

En effet, et je dirais même plus : je suis ni pour ni contre, bien au contraire et tout au milieu....C'est décidément Monsieur Prudhomme, que ce maire-là !


Elections municipales de 1929

Gros succès de la liste de la municipalité sortante à Guémené. Réélue en entier, elle obtient 892 voix, soit 200 de plus qu'au dernier scrutin. Gros succès, nous apprend Ouest-Éclair"en raison d'une lutte sournoise qui l'attaquait". Les hobereaux du coin ont dû encore tenter de le décaniller.


Elections municipales de 1935

Au premier tour : votants 1260, exprimés 1230, majorité absolue 616.

Liste Républicaine et d'Intérêt Local et d'Union : 17 élus

Liste Républicaine du maire sortant : pas d'élus

Gilles Durand et sa liste sont dans les choux. Normal : que faire contre une liste de tricheurs qui se sont mis à trois pour gagner (les républicains + les intéressés locaux + les unionistes) !

Enfin sur les six ballottages, la liste sortante récupère 3 sièges au second tour (Auguste Babin, Jean Urvoix, Frédéric Testard).

Ainsi s'acheva la carrière politique de Gilles, fils de Gilles, petit-fils de Gilles et arrière-petit-fils de Gilles Durand.

Et puis, bien longtemps après, en août 1961, Gilles Durand "puissance 4" quittera cette terre de Guémené.


Rarement un "s" à la fin d'un prénom n'aura été mieux justifié.

Les deux Gilles les plus récents sont inhumés à Guémené dans l'imposant tombeau familial des DURAND, et une rue qui longe le cimetière porte ce nom et ce prénom qui balbutièrent quatre générations.










Beau parcours quand même, Messieurs les Durand !

samedi 18 janvier 2014

Trois héros d'un jour


Retour aux hommes et aux femmes après plusieurs articles sur le patrimoine plus classique de Guémené.

Les journaux, et Ouest-Éclair en particulier, permettent aux uns et aux autres, obscurs ou sans grade le plus souvent, de connaître leur heure de gloire ou, à tout le moins, une notoriété fugace.

Pas moins hier qu'aujourd'hui, en effet, la presse régionale ne raffole de faits divers, accidents, violences, chiens ou vaches écrasées, nécrologie, hauts-faits sans lendemain de petites gens qui, en dépit de cela (et c'est heureux !), le resteront.

J'ai donc puisé à cette source à nouveau pour me faire l'écho de faits qui sans doute agitèrent Guémené en leur temps, celui de l'entre-deux-guerres, celui de la jeunesse de ma mère.

Et puisqu'il s'agit de rendre hommage, commençons par répercuter le bruit lointain d'un article du 1er août 1937 intitulé "Palmarès des braves gens de chez nous".



A la lecture du titre de l'article, on sait tout de suite qu'on va avoir affaire à de la condescendance bien paternaliste et qu'il ne serra question ni de docteur, ni de notaire, ni de maire, ni de négociant, ni de curé ou de propriétaire. Ces gens-là, finalement, ne sont pas braves, même s'ils sont de chez nous.

Dans un bric-à-brac de vies aliénées : fermiers depuis plusieurs générations asservis à la même terre, vieux domestiques chenus à la personnalité délavée par des décennies d'obséquiosité et de respect des maîtres, salariés enkystés depuis l'adolescence dans la même vie professionnelle, surgit "M. Pierre Milet, 67 ans [qui] remplit les fonctions de contremaître depuis 44 ans passés chez M. Gilles Durand, négociant en bois à Guémené-Penfao".

Pierre Milet est né à Blain le 16 mai 1871 dans une famille d'agriculteurs. Il le sera lui-même un temps avant de venir à Guémené et de travailler comme journalier chez Gilles Durand, finissant à l'arraché par "faire fonction" de contremaître (il ne l'est donc pas pour de vrai).

Pierre Milet est un petit bonhomme d'un mètre soixante six que le Conseil de Révision a refusé une première fois en 1871 pour problèmes pulmonaires et que la guerre de 14 ne voulut pas avaler non plus pour les mêmes raisons (qui devaient donc être particulièrement valables). C'est donc une "petite santé" que ce bonhomme.



A part de l'emphysème, le Conseil de Révision lui trouve d'ailleurs de nombreuses cicatrices aux deux jambes. Au reste, il a les yeux bleus et, jeune, des cheveux châtains. Il sait lire et écrire, mais n'a pas le Brevet.

Il épouse le 23 avril 1900 la jeune Julienne Gourgeon dont il aura, malgré ses infirmités, quatre enfants : Germaine, en 1902, Pierre, en 1905, Mathilde, en 1907 et Ferdinand, en 1909. 

La famille Milet demeure rue de Redon, près des Durand, chez qui non seulement le père fera carrière, mais où sont employés également (comme bonnes) les deux filles Milet et (comme journaliers) les deux fils...Bonjour la promiscuité !

Ce héros banal mourra le 18 mars 1938, soit quelques mois après avoir eu les honneurs de la presse, laissant une veuve et seulement trois orphelins, et n'ayant certainement pas eu le temps, hélas ! de jouir des tous récents congés payés octroyés par le Front Populaire.

Éclairons donc le mystère de la disparition d'un des enfants Milet, , une fois de plus grâce à Ouest-Éclair, le bien nommé.

Le jeune Pierre mourut à 18 ans, au travail chez Gilles Durand. Il est même possible, dans le fond, que son père ait assisté à sa fin.

Voici comment il en vint à défrayer la chronique.


La scène se tient à la mi-novembre 1923 dans la scierie de M. Gilles Durand (négociant et alors maire de Guémené). Vers 2 heures 30 de l’après-midi, plusieurs ouvriers sont occupés à passer des lames de parquet à la raboteuse. L'un d'eux est le jeune Pierre Milet.

Celui-ci se tient près de la machine, sur la galerie souterraine recouverte de planches dans laquelle se trouvent la grande poulie et la courroie de transmission qu'entraîne une "locomobile" à vapeur du genre de celle représentée ci-dessous.



Le jeune homme a pour mission de recevoir les planches rabotées et de les mettre en pile.

Quand tout à coup une violente explosion se produit soulevant un nuage de poussière qui aveugle les travailleurs. Après quelques secondes de stupeur, ceux-ci constatent avec horreur que les planches de la trappe recouvrant la poulie ont été brisées et projetées dans toutes les directions. Leur jeune camarade, qui se trouvait donc dessus, est tombé dans le trou ainsi formé, profond d'un mètre environ.

On s'empresse d’arrêter la locomobile et de porter secours au jeune Milet. Mais on ne retire de la galerie qu'un cadavre horriblement mutilé. Le malheureux jeune homme a dû tomber la tête la première sur la poulie en mouvement qui lui a sectionné le crâne derrière les oreilles. La mort a été probablement instantanée.

Les constatations faites un peu plus tard ont permis de se rendre compte que, par une circonstance inexpliquée, l’armature de la grande poulie s’est détachée et a frappé violemment le plancher de la trappe qui a volé en éclat.

Le cadavre du jeune Milet, placé d’abord sur des sacs par ses camarades consternés, a été ramené au domicile de ses parents.

Le journal ajoute qu'il devine leur douleur...

Il n'est pas sûr que tant les obsèques du père que celles du fils Milet aient fourni un spectacle digne d'un article de journal.

Enfin...

Mais évidemment, il n'y a pas de raison que les malheurs ne frappent que les pauvres. Sinon, ça ne serait pas juste.

Ainsi, un enterrement d'une personne de qualité a lieu le 
18 janvier 1938, dont Ouest-Éclair nous régale.

Il s'agit de porter à son ultime demeure Mlle Gillette Durand, professeur, fille aînée de M. Gilles Durand. De Monsieur Gilles Durand, oui certes, mais de Monsieur Gilles Durand industriel, ancien maire, ancien conseiller d’arrondissement de Guémené et ancien membre de la Chambre de Commerce de St-Nazaire.

Comme on voit, la jeune Gillette a tout de même trouvé le temps, dans sa brève existence, de devenir professeur (de quoi d'ailleurs ?) avant d'être, comme dit la presse, "enlevée prématurément à l’affection des siens par une cruelle maladie à l’âge de 21 ans". Sur un faire-part
, "professeur" ça sonne quand même mieux que "journalier".

Le jour des obsèques venu, trois jours après le décès, la levée du corps a eu lieu à 9 heures à la maison mortuaire, le domicile des Durand, rue de Redon, où le deuil était réuni.

Le cercueil était porté par les ouvriers de l’usine et du chantier (on les imagine en bleus de travail frais repassés...) et les cordons du poêle par des amies de la défunte (enterrement de 1ère classe !).

Un groupe nombreux de jeunes filles portaient des gerbes et bouquets de fleurs. On y remarquait également une superbe couronne de perles blanches, hommage des ouvriers de M. Durand (cotisation spontanée).

Le cercueil fut suivi par une foule nombreuse composée de parents, d’amis, des notabilités de la ville et des environs.

Pour le coup, le journal offrit ses condoléances à la famille.

Ah qu'il fait beau mourir riche !

dimanche 12 janvier 2014

Camille Godet à Guémené


Qui est donc Camille Godet ?

Si je vous disais que 144 oeuvres d'un peintre et dessinateur sont représentées au Louvre ou dans un grand musée d'une capitale régionale française, et qu'une grande composition de cet artiste est présente à Guémené, au vu et au su de tout le monde, d'accès libre et gratuit (je sous-entends : et personne ne le sait, tout le monde s'en fiche...) : je suis prêt à parier que vous ne me croiriez pas.

Voici pour moi l'occasion de finir la série d'articles sur les richesses picturales et graphiques de Guémené, entreprise grâce à la rencontre de l'Adjointe à la Culture de Guémené, et de finir en grand.

Car en effet, passant comme beaucoup d'autres, l'autre jour, dans le bâtiment de la Mairie, je ne me serais pas forcément arrêté dans la grande salle qui donne, au sud, sur la rue de l'Hôtel de Ville. Elle sert aux réunions du Conseil Municipal mais, sinon, elle forme une sorte de grand vestibule qu'on traverse quand on a affaire à la Mairie et rien n'incite à y stationner, d'autant que rien dans son éclairage n'indique qu'il y ait quoique ce soit à regarder.

Dommage. Et heureusement, les édiles guémenois ont eu la bonne idée de me signaler que cette vaste pièce était décorée...

Elle possède en effet, principalement sur deux de ses parois, un vaste ensemble de peintures murales datant de 1930 et qui sont l'oeuvre d'un artiste appelé Camille Godet dont on voit ci-dessous un autoportrait en jeune homme datant de 1897 (qu'on peut admirer au Musée des Beaux-Arts de Rennes).


Camille, sa vie, son oeuvre :

Camille Godet, est né à Rennes le 5 juillet 1879 au numéro 3 de la rue du Vau Saint-Germain à Rennes, dans le quartier du Parlement de Bretagne. Papa Godet était débitant.


En 1893, il intègre l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il étudie jusqu'en 1898. Il obtient tous les ans différents prix (brave petit ! heureux, son papa à lui !).

En 1898, il entre à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. En 1900, il interrompt ses études et travaille comme ébéniste pour le mobilier des églises de Rennes.

Camille Godet se marie en 1907.

En 1913, il devient professeur de dessin industriel aux cours du soir de l'École des Beaux-Arts de Rennes. Quand la Première Guerre mondiale éclate, Camille Godet s'engage et part pour le front où il effectue des levés, des corrections de plans et des cartes d'état-major. Mais surtout, il réalise de nombreux croquis de scènes de guerre et rencontre un autre peintre breton, Mathurin Méheut, avec lequel il se lie d'amitié.

À la fin de la guerre, il reprend son poste aux Beaux-Arts de Rennes. Sous la direction de l'architecte Emmanuel Le Ray, il participe à la décoration de l'Hôtel de Ville de Rennes avec un Panthéon dans le vestibule de l'ancien présidial. Il s'agit d'un tableau d'honneur sur lequel figurent les Rennais tombés pour la Patrie au cours de ce conflit, inspiré de croquis de guerre : Camille Godet réalise ainsi une grande frise peinte sur toile de 26 mètres de long sur une hauteur de 1mètre 60.

Tout en conservant ses activités aux Beaux-Arts, l'artiste se voit confier par les architectes Laloy et Le Ray l'enseignement du dessin à l'école de préapprentissage qu'ils viennent de fonder en 1919 (il y restera une trentaine d'année). Cette même année, il décore la salle de la Maison du Peuple à Rennes (10, rue Saint-Louis, la Cité actuelle) d'une fresque intitulée Le Travail. Pendant les travaux, Camille Godet réalise de nombreux croquis des ouvriers du chantier qui lui servent de modèles pour la décoration de cette salle.

Il parcourt la Bretagne, dessinant et peignant des plages, des pardons, des scènes de la vie quotidienne...

Enfin, Camille Godet meurt à son domicile de Bain-de-Bretagne le 10 octobre 1966, et est inhumé au cimetière de l'Est de Rennes.

En dehors des sites évoqués ci-dessus, ses oeuvres sont représentées au Musée des Beaux-Arts de Rennes et peut-être à l'Opéra de Rennes où une fresque, dans un salon, lui est attribuée.


Camille à Guémené :

Les décors muraux de la Salle du Conseil de Guémené célèbrent le Travail (agricole et artisanal), mais aussi, en principe, la Paix, la Famille et la Patrie. Nous sommes en 1930 quand ces travaux sont achevés, et si le Travail paraît bien illustré, le reste est plus discrètement représenté...

La célébration du travail des champs couvre tous le panneau nord de la salle ; l'artisanat est représenté par le bûcheron et le forgeron, deux compositions situées sur le mur est de la pièce, chacune de part et d'autre de la cheminée.

Autant que faire se peut, chaque "tableau" ancre son action dans le paysage de Guémené, ainsi que l'on peut le vérifier à certains détails.

Le travail des champs

Le thème en est la moisson. Dans un champ de blé doré, quatre personnages s'affairent. A gauche, un paysan affûte sa faux devant les épis bien droits et bien drus. Il est en chemise, chef couvert et porte à la ceinture un étui pour ranger son aiguisoir (ou plutôt sa pierre à aiguiser, objet bleu sombre et oblong bien familier encore dans les années 60). A sa droite, vue de dos et courbée, une femme en sabots et coiffe coupe des épis à la faucille.

De l'autre côté du tableau, des gerbes dressées attendent d'être ramassées. Deux hommes, l'un en casquette et chemise, tête basse et outil à l'épaule, l'autre masqué par un énorme bœuf qui tire une charrette remplie de paille, s'en reviennent avec leur chargement.

La scène semble se dérouler non loin du bourg de Guémené : on reconnaît, tout en haut à gauche de la composition, des éléments permettant d'identifier la Butte, avec un moulin et le donjon crénelé de la Grée-Bréhaut. Une maison évoque la présence d'un village, à droite.

D'autres détails intéressants à noter : les palis bleuâtres de schistes, pierres dressées typiques de notre région qui marquent les limites de champs, et, si l'on regarde bien, tout contre l'un des arbres du premier plan à gauche (des pins apparemment), une cruche avec un bol à cidre sur le goulot (on n'est pas à Guémené pour rien...).

Ce panneau comprend la signature de l'artiste et la date de l'oeuvre. Il est entouré d'une frise formée de motifs fruitiers et géométriques. Tout en haut, les deux mots "PAX" et "LABOR" sont peints en grosses capitales.















Le bûcheron

Le panneau du bûcheron est plus simple. La scène se passe dans un sous-bois, dans un sentier, à quelque distance d'un village (au fond, on distingue à peine quelques bâtiments). Un bûcheron, en bottes, blouson et chapeau, attaque à la hache un arbre sans feuillage sinon quelques feuilles mortes éparses encore accrochées aux branches (d'autres arbres sont figurés avec un "feuillage").

Il se présente de face, jambes écartées, la tête tournée vers l'arbre sur le côté, les yeux mi-clos. Une mèche de cheveux dépasse sur son front.

Le fil de la hache brille : l'outil est bien affûté. L'homme n'en est pas à son premier coup : le bas du tronc semble porter la trace de frappes antérieures.




Le forgeron et la fileuse

Le panneau de droite du mur est est consacré principalement à l'illustration du travail du forgeron dont on voit l'atelier. Mais dans une échappée, à droite, s'encadre une femme filant le rouet sur fond de bourg de Guémené.

Le forgeron est un costaud à moustache, en tablier de cuir, devant l'enclume sur laquelle, les yeux baissés, il travaille une barre de métal. Par terre dans l'atelier, des pièces déjà forgées à droite avec des outils, et un seau pour refroidir les pièces, à gauche. Le devant de l'enclume rougeoie comme le côté du forgeron (le foyer, hors champ de la composition, doit donc se situer sur le devant à droite de l'artisan). Derrière lui, une sorte d'établi sous un carrelage mural.

A noter, quelques fers à cheval suspendus au mur, au-dessus de la tête du forgeron.

Dans l'hommage que Camille Godet rend au travail, celui des femmes se limite à la paysanne à la faucille susmentionnée et à la fileuse de ce panneau.

Cette dernière s'encadre dans la porte de l'atelier du forgeron, en coiffe et sabots comme la paysanne. Considérons qu'il s'agit d'une voisine ou de l'épouse du forgeron qui travaille dans la cour de l'atelier.

Au loin, au-delà des bâtisses de la cour, on reconnait le clocheton de la Mairie à côté d'une hypothétique tour (ou moulin).










Autres représentations

L'éclairage de cette salle était tellement peu propice à la photo (comme on peut évidemment l'avoir remarqué) que je n'ai pas rapporté grand-chose des éléments de décoration plus restreints qui sont présents sur le mur sud de la salle.

Au-dessus des grandes fenêtres les mots "FAMILLE" et "PATRIE" se détachent. Les bords extérieurs des fenêtres comprennent quelques ornements mais qui sont très difficiles à voir (et à photographier).

J'ai pu apercevoir toutefois un personnage en chapeau, gravissant une tribune sous un drapeau français...dont je n'ai pas très bien compris de qui il s'agissait ni ce qu'il représentait...




Il reste donc pas mal de choses à dire et à écrire sur le sujet...

A bientôt !

samedi 11 janvier 2014

La Butte de Nicot et autres mystères picturaux


J'ai déjà pas mal traité du grand sculpteur breton Louis-Henri Nicot, auteur du remarquable groupe sculpté du monument au mort du cimetière de Guémené qui date du début des années 20 su siècle passé. On peut voir l'artiste sur la photo ci-après, en plein travail dans son atelier.



Je ne vais donc pas revenir sur son histoire ou sur celle de son oeuvre de sculpteur à Guémené, mais sur un aspect plus inattendu de son travail en notre commune.

La mairie de Guémené a en effet réussi à se procurer par le truchement d'un enfant du pays grand ami des arts (et en particulier de la peinture) une aquarelle réalisée par le grand sculpteur.

J'ai pu approcher cette oeuvre et la photographier lors d'une visite à Madame Barathon, en charge de la Culture (merci une nouvelle fois pour son aide).

Comme pour les autres "fruits" de cette visite récente, les clichés que j'ai pris sont de piètre qualité pour des raisons de lumière peu favorable, de reflets (vous apercevrez même ma silhouette...),... Leur intérêt réside donc dans la révélation de ces oeuvres, plus que dans leur mise en valeur par mes soins, hélas...





L'aquarelle en question est une oeuvre de taille restreinte (peut-être soixante ou soixante-dix centimètres de longueur pour une largeur de trente à quarante) qui représente l'un des trois ou quatre moulins à vent qui dominaient le Bourg depuis la Butte, à l'est du Bourg.

Tout près on aperçoit quelques maisons et sur le devant, comme s'il posait pour une photo, la silhouette d'un jeune garçon (ou d'un homme) en pantalon court à bretelles et chapeau de paille.

Un chemin serpente devant le moulin et semble conduire vers les habitations.

Le moulin, planté dans un parterre végétal et doté d'ailes rouges (le Moulin Rouge de Guémené...), semble en état de marche. Couvert d'ardoises, il offre au regard ses murs crépis qui laissent entrevoir ici ou là quelques palis. Ses ouvertures sont soulignées de linteaux de schistes.

On semble se trouver au printemps ou à l'été.

L'oeuvre est intitulée, signée et datée : "Moulin de Guémené-Penfao", "Louis H. Nicot 1922".

Le monument qui a conduisit Louis-Henri Nicot à Guémené a été inauguré en août 1923. Celui-ci dut donc effectuer plusieurs voyages entre le milieu de 1922 et l'année suivante.


***

Pour rester dans le domaine pictural, je voudrais donner le résultat de l'enquête collaborative lancée dans l'article du 29 décembre dernier, sur le peintre du "Saint-Georges tuant le dragon" qui se trouvait dans la chapelle du même nom, et qui signe "B.".



C'est une nouvelle fois l'enfant du pays ami des arts évoqué précédemment qui a fourni la réponse qui m'a été transmise par un lecteur assidu, ami, et artiste de talent lui-même.


La lettre B est l'initiale du patronyme "de Bruc". En 1837, date du tableau, plusieurs membres de cette famille résidaient au château ancestral, situé à l'est de Guémené, en allant sur Guénouvry.

Outre Auguste, marquis de Bruc de Montplaisir et Madame, née Olympe Le Corgne de Launay, quatre enfants sont encore au domicile familial.

Il me plaît à penser que c'est la gente Zéphyrine, belle enfant de vingt-deux ans, qui accomplit cette oeuvre tout à la fois pieuse et artistique. Enfin, c'est mon hypothèse, car si l'étau se resserre, la vérité sur "B.", sa vie son oeuvre, reste encore à établir complètement.

dimanche 5 janvier 2014

Nouveaux éléments sur le monument aux morts de l'église


Il est temps de se remettre au travail et de reprendre l'inventaire et la promotion des richesses patrimoniales de Guémené.

Je voudrais revenir sur un monument que j'ai déjà commenté dans un post de 27 janvier 2013 : le monument au mort qui se trouve dans l'église de Guémené. Il se situe prcisément au mur du bas-côté sud de la nef de l'église, à hauteur de la cinquième travée.
Pour ce qui suit, je m'inspire d'un article publié sur le site de la Région Pays de Loire qui fournit des compléments historiques et descriptifs intéressants.

Ce monument est dédié (comme celui du cimetière de Guémené) exclusivement aux morts de la paroisse de Guémené-Penfao (à l'exclusion donc des morts des sections communales de Guénouvry et de Beslé qui ont leurs propres marques de commémoration).


L'oeuvre fut exécutée en 1919 par le sculpteur nantais Joseph Vallet (1841-1920). Au passage, l'atelier de ce sculpteur fut repris par Henri Rivière, l'artiste qui réalisa (notamment) le monument aux morts qui figure dans le cimetière de Beslé.

L'inauguration se déroula le dimanche 9 novembre 1919, tout juste un an après la signature de l'armistice. La cérémonie commença par l'entrée solennelle des mutilés de guerre qui déposèrent au pied de la composition des couronnes et des gerbes de fleurs.

S'ensuivirent un office funèbre, une bénédiction solennelle du monument et un discours de l'ancien aumônier militaire du XIème Corps d'Armée, l'abbé Boré.

Ce dernier en fit d'ailleurs plus d'un, et des très remarquables : on le retrouve ainsi le 29 janvier 1922 à Aigrefeuille, pour le même motif, où il disserta sur les "rapports intimes qui existent entre la Jeanne d'Arc du XVe siècle et les généreux poilus du XXe siècle". Bien que le texte de ce chef d'oeuvre rhétorique fasse défaut, il est permis de penser qu'il n'y a quand même pas lieu de s'emballer, jeunes gens, sur cette nature intime des rapports entre la Pucelle et les Braves Pioupious...

Mais reprenons.

Le monument est à l'image de l'église : vaste et composite.

Vaste : dans sa globalité, il occupe un quadrilatère d'environ 28 mètres carrés, occupant toute la largeur de la travée (5 mètres 50) et toute la hauteur jusqu'à la fenêtre (5 mètres 12).

Composite : il mêle peinture murale pour sa partie supérieure, sculpture pour le bas-relief sous la Piétà, moulage de plâtre pour cette dernière, marbrerie pour les listes de victimes et ferronnerie pour la grille de fer forgé qui l'entoure. De plus, le panneau de la station de Chemin de Croix, préexistant à cette oeuvre, à été conservé et intégré dans la composition.

Le monument aux morts est centré sur la Piétà posée sur un socle en avant d'une plinthe en pierre. En tant que tel, ce moulage sans le socle fait 155 cm de hauteur et 120 cm de largeur. Il a souffert des outrages du Temps : la Vierge a ainsi perdu plusieurs doigts à la main gauche...


Cet élément central et d'un blanc éclatant se détache sur des plaques de marbre noir disposées de part et d'autre de la sculpture. De format rectangulaire vertical, elles sont assemblées pour former une sorte de triptyque dont les deux tympans (les plaques supérieures, de forme ogivale) sont sculptés d'une croix fleuronnée inscrite dans un quadrilobe.

Les plaque latérales sont surmontées d'une hermine dorée inscrite dans une demi-palmette stylisée. Les noms des soldats tombés au Champ d'Honneur sont gravés et dorés. Un trait gravé et peint en blanc les sépare.

Sous la Piétà, un bas-relief (ou demi-relief) représente "l'Absolution donnée dans la tranchée". Sur ce relief, le soldat qui donne l'absolution ne se distingue pas des autres poilus qui sont représentésL'oeuvre est très encrassée et abîmée : le soldat qui fait face au spectateur, au centre, a perdu sa main droite... Décidément...




Ce relief pourrait avoir été conçu en souvenir de l'abbé Pierre Fourrier soldat du 210e régiment d'infanterie, qui mourut à l'infirmerie militaire de Szeged, en Hongrie, le 10 janvier 1919. Mais né à Saint-Sulpice-des-Landes et domicilié à Nantes, les attaches de ce saint homme à Guémené sont inconnues et on ne s'explique pas pourquoi son nom figure sur le monument aux morts de cette paroisse.

Et en effet, une plaque isolée de celles des autres poilus, est placée juste au-dessus de la tête de la Vierge de la Piétà : elle porte gravé le nom de ce prêtre, Pierre Fourrier.

Juste au-dessus, on trouve le panneau du Chemin de Croix. Il s'agit de la douzième station "Jésus meurt sur la Croix", oeuvre peinte sur toile placée dans un cadre de bois de style néo-gothique.

Au-dessus encore, des inscriptions peintes à la détrempe sur enduit de plâtre. Sur un fond de ciel bleu, au-dessus des années du conflit, un long ruban ondulant rouge (un "phylactère") comportant une citation latine s'éploie en lettres d'or : "Hi Ceciderunt Fortes In Bello"  ("A la guerre, ceux-ci sont tombés en héros")...

L'ensemble de la composition est ceinte au sol d'une grille de fer forgée. Son élément le plus remarquable en est le panneau central qui reprend le motif de la croix de guerre, en le stylisant.

Je ne saurais mieux faire, pour résumer et finir, que de citer l'article du site de la Région Pays de Loire : "Le monument forme un ensemble organisé autour d'un axe vertical constitué par la Crucifixion, la Vierge de Pitié et l'absolution dans la tranchée. Cette iconographie doloriste met en relation la mort du Christ et la douleur de la Vierge avec celles des soldats et de leur famille."

Bon, pourquoi pas.

A noter : toutes les photos sauf une (la vue d'ensemble, qui provient du site susmentionné), sont de mon fait...A très bientôt pour d'autres aventures picturales.