Rechercher dans ce blog

samedi 26 juillet 2014

Les premiers comices agricoles (partie 1)


Bientôt 160 comices agricoles annuels se seront tenus à Guémené-Penfao. Quoi donc de plus naturel que d’en évoquer l’histoire, ici et dans la région.

J’ai utilisé quatre sources pour ce faire : deux articles contemporains de la naissance des comices, issus d’un journal aujourd’hui disparu (Le Breton) ; un article récent puisé au Journal de la Mée et un texte d’un universitaire, René Bourrigaud.

L’histoire commence sous le règne de Louis-Philippe.

Vers 1830 / 1840, en effet, de grands propriétaires des cantons du nord du département (Derval, Nozay, Guémené-Penfao) prirent conscience des marges de progression dont disposait l’agriculture locale évoluant dans un environnement qui se caractérisait alors par de vastes landes.

On commençait seulement à défricher ces landes et à les faire valoir avec un engrais révolutionnaire, le « noir animal », poudre d’os broyés utilisée dans les raffineries de sucre et qui leur apportait les phosphates manquants pour en faire des terres fertiles.

Plus généralement, sous l’impulsion de ces hommes, d’inspecteurs et de professeurs d’agriculture, une révolution agricole se mit en place dans nos régions : il s’agissait rien moins que de remplacer l’ancien système céréalier, avec jachères et landes importantes, par un système de polyculture intensifiée, fondé sur la traction animale et une forte main d’œuvre familiale. 

Ce nouveau modèle agricole durera plus d’un siècle, venant terminer sa course dans les années 1950 et 1960. C’est celui, qu'avec bien d'autres, j’ai vu mourir dans mon enfance.

Il semble que cette révolution n’ait guère été facile et qu’il ait fallu beaucoup de volontarisme pour introduire, à cette époque, le chou et la betterave fourragère, la charrue Dombasle ou de nouvelles races d’animaux, comme ce fut le cas sans doute dans les années 1950 / 1960,  pour imposer les vaches Frisonnes, les stabulations libres ou l’ensilage du maïs.


L’une des façons de favoriser la diffusion des idées nouvelles en matière d’agriculture furent les comices. Une ordonnance ministérielle de 1820 prescrivait aux préfets d’en créer, mais c'est en 1833 qu'est promulgué un règlement visant à les établir.

Selon des déclarations de l’époque, « il s’agissait d’instaurer de fréquents et intimes rapports entre les propriétaires et les cultivateurs et … de stimuler le rôle de tous ceux qui se livraient à l’agriculture et à l’élevage, en encourageant et propageant le perfectionnement des instruments aratoires et les meilleurs méthodes d’assolement, de mettre en commun et répandre le plus possible les connaissances acquises sur l’amélioration des races de bestiaux au moyen d’un croisement bien combiné ».

Ou encore, d’après le compte-rendu journalistique du comice départemental de 1843 : d'encourager les cultures fourragères pour augmenter le nombre et la qualité des bestiaux (bovins) ce qui permettait d’accroître les produits (viande, lait, beurre,…).

Comme on le voit, les comices étaient dotés d’une mission pédagogique et prosélytique : ils devaient vulgariser le progrès. Les prix remis aux vainqueurs des différents concours étaient d’ailleurs (à dessein) en nature (bestiaux de choix, outils modernes).

Si à leur origine, les comices se préoccupaient de toutes les productions agricoles, ils finirent par privilégier l’élevage, bovin notamment. Ils favorisèrent ainsi l’adoption de races de vaches élevées dans le sud du département (nantaises, choletaises, parthenaises), par les agriculteur du nord, vers Blain, Guémené, …Une fois maîtrisée la production fourragère pour nourrir les meilleures races bovines, les cultivateurs du nord devinrent éleveurs.


Au reste, depuis le début des années 1830, la région du nord de la Loire-Inférieure avait la chance de disposer d’une école d’agriculture fondée à Nozay par un agronome alsacien, sur un terrain de 500 ha de landes à défricher, cédé par un armateur nantais : l’école de Grandjouan dirigée par Jules Rieffel.


C’est ce dernier qui fonde, en 1835 à Nozay-même, le premier comice. Le juge de paix, Constant Hupel en est le président. Tous les maires de la région participent et font apparemment confiance à l’alsacien .























Les premiers comices de Nozay, de part la volonté même de Jules Rieffel, ne sont pas qu’un salon des plus beaux animaux, susceptible de flatter l’amour-propre des propriétaires. Ils doivent plutôt fournir une vitrine de l’ensemble de la gestion de l’exploitation agricole : façon de défricher, de labourer, de produire les bons fourrages.

A noter aussi que sur la région de Derval et Nozay, la présence de M. de la Haye-Jousselin, grand propriétaire terrien, maire de Derval et député de l’arrondissement de Chateaubriand, pèse favorablement sur le développement des nouvelles méthodes agricoles.


Mais dans le canton de Guémené, quoique Julien de la Haye-Jousselin y possède des terres, il n’est apparemment pas à l’initiative du premier comice. En effet, celui-ci a lieu en 1842 dans le cadre du château de Juzet, sur les terres des du Halgouët.

Dans notre canton, c'est un autre personnage, également propriétaire éclairé, qui domine la scène. Il s’agit de René Heuzé (1796 – 1846), maire de Conquereuil, commune située selon l’appréciation du journal de 1843, « dans ce canton qui a longtemps été l’un des plus arriéré du département ».

René Heuzé habite au lieu-dit Cotidel, dans la commune qu’il administre. Il est le beau-frère de Fidèle Simon, le bien célèbre maire de Guémené, dont il a épousé la sœur Françoise. Il est également le père de Jean-Baptiste, qui fut médecin à Guémené dans la seconde moitié du XIXè siècle (notamment au moment de l’épidémie de dysenterie de 1856 qui y fit tant de victimes. Mais il n’y était vraiment pour rien…).

On apprend ainsi au détour du compte-rendu du comice départemental de 1843 que « M. Heuzé est toujours primé dans les comices du canton ». Mais ce philanthrope « renonce à ses prix au profit de cultivateurs moins aisés ». Du coup, le comice départemental crée à son intention une médaille qui récompense à la fois son désintéressement et son talent agricole.

Pourtant, en 1842, lors du premier concours du comice de Guémené, les organisateurs sont contraints de n’accorder qu’une prime de 25 francs à la vache du curé (René Daniel, - c’est le nom du curé, pas de la vache). 


Celui-ci est en effet la seule personne du canton (en dehors des grands propriétaires) à présenter une vache de grande taille du type qu’on veut encourager ! 

Trente ans plus tard, les vaches de race auront quasiment supplanté la petite race bretonne pie noire...


Il reste désormais à découvrir ce que furent concrètement ces premiers comices. C'est ce que je propose de regarder dans la seconde partie à venir de ce sujet sur les comices.

Affaire à suivre : à bientôt...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire