Rechercher dans ce blog

samedi 26 avril 2014

Le tortillard de l'aventure


J'ai eu l'occasion, récemment, de raconter l'inauguration en fanfare, en juillet 1910, du dernier tronçon de la ligne ferroviaire de Nantes à Rennes, via Blain et Guémené-Penfao, ligne qui fonctionna jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale.

Ce tronçon joignait Blain à Beslé-sur-Vilaine, sur une trentaine de kilomètres, desservant le bourg de Guémené au passage. Beslé, autre gare de la commune de Guémené, situé en bordure du fleuve, formait alors un nœud ferroviaire relativement important.

On dispose du témoignage d'un voyageur sur ce que pouvait représenter, quelques mois après cette mise en service, un voyage aux bons soins de la Compagnie des Chemins de fer d'Etat"entre les deux capitales de la Bretagne".

En principe, un train (le train 218) part alors de la gare de "Nantes-Etat" à 11 heures 23,



et arrive 127 km plus loin à Rennes, à 15 heures 12. 

Du 45 km à l'heure !

Notre témoin embarque donc en fin de matinée le 13 avril 1912, avec son petit bagage, "espérant être à Rennes dans l'après-midi".

L'affaire suit son cours jusqu'à Blain où, pour une raison inconnue, le train stationne pendant 35 minutes. On notera au détour de cet incident que, s'agissant de la raison de cet arrêt si long, aucune explication n'a été fournie par la Compagnie, selon une tradition d'information des voyageurs dont les actuels usagers des TGV en retard bénéficient encore.

Passé cet épisode, le trajet se poursuit sans que le retard ne se rattrape, bien évidemment. Il est donc 14 heures 10 quand le convoi se présente en gare de Beslé.

C'est alors qu'entre en scène Joseph Lefeuvre, le chef de gare de cette station "modern-style".



Celui-ci informe en effet les 150 voyageurs qui ambitionnaient de prendre le train de Rennes, que celui-ci vient malheureusement de partir. Et du coup, il n'y a plus qu'à attendre le train en provenance de Redon et à destination de Rennes également, qui se présente normalement à 17 heures 40. Juste trois heures et demi d'attente.

Comme dit notre ami le témoin, "cette déclaration a provoqué...une profonde stupéfaction et des appréciations diverses".

Beslé est certes un point névralgique en ce qui concerne les transports nord-sud dans la région, mais c'est un endroit de peu de ressource pour le particulier qui a raté son train. Aussi ne reste-t-il au malheureux qui y reste en rade qu'à prévenir parents et amis qu'il sera en retard, et qu'on ne s'inquiète pas.

A cette époque, cela n'est toutefois pas très aisé, car cette "coquette" section de la commune de Guémené-Penfao ne possède alors aucun bureau télégraphique.

Notre ami voyageur et quelques autres décident alors de tenter leur chance au bureau du télégraphe de la gare où ils tombent sur un employé de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Etat, préposé aux communications.

Hélas, ce ne devait pas être un bon jour, car la ligne télégraphique était constamment occupée, en tout cas, selon ce que, "le sourire au lèvre", en disait l'employé en question. Et sans qu'on sache s'il le faisait exprès ou s'il était idiot, il indiqua qu'il se proposait de remettre les télégrammes des voyageurs au train de 17 heures 40, celui-là même que ces mêmes voyageurs devaient emprunter...

Forcément les esprits durent s'échauffer quelque peu et les pauvres "usagers" tentèrent de parlementer avec Joseph Lefeuvre. Mais, comme l'indique notre témoin, "Beslé...possède un chef de gare à éclipse, qui disparaît dès qu'on a besoin de lui parler".

Mais bon, le train de Redon prévu à 17 heures 40 finit par arriver...avec pas mal de retard, et quatre heures ne s'étaient pas écoulées dans la gare de Beslé que nos amis repartaient vers Rennes pour une ultime étape prévue pour durer un peu plus d'une heure.



Sans doute pour achever de pimenter cette expédition, une surprise supplémentaire attendait les infortunés voyageurs quand enfin, vers 20 heures (au lieu de 15 heures 12, normalement, rappelons-le), la troupe débarqua à Rennes.

Le chef de gare de Beslé, n'avait en effet pris aucune mesure pour faire transborder les bagages d'un train à l'autre, de sorte que ceux-ci étaient restés à Beslé...

Notre ironique témoin conclut : "Je suis bien persuadé...que ces heureuses innovations et l'attrait de l'imprévu engageront [les gens] à profiter des relations ultra-rapides de la nouvelle ligne ".

mercredi 23 avril 2014

Vitrail et mitraille (2)


Dans un article récent consacré aux vitraux de la chapelle des Lieussaints, j'indiquais n'avoir pas identifié le couple de commanditaires (et donateurs) des deux vitraux les plus intéressants où figurent néanmoins leurs blasons.



Au terme d'une enquête palpitante dont je vous épargne les méandres, je crois pouvoir être en mesure de fournir une solution à cette énigme.

Pour rappel, le thème central de ces deux vitraux est, d'une part, une scène coloniale figurant un groupe de soldats menés par un officier dans un décor exotique et, d'autre part, une scène à connotation religieuse représentant deux femmes, probablement la Vierge et Sainte Anne, sa mère. 



Dans le précédent article, j'émettais l'hypothèse que le blason à fond blanc avec trois feuilles de houx pouvait renvoyer à la famille (comtale : d'où la couronne) Guériff de Launay dont un représentant, vers la fin du XIXème siècle, demeurait au château de la Herbretais à Marsac-sur-Don, commune riveraine de Guémené, comme on sait, et dont la chapelle dépositaire des vitraux en question est proche (le site de la chapelle est quasiment équidistant des deux bourgs).

Il se trouve que ce comte marsacais avait pour épouse une dame de Courcival. Moyennant quelques investigations j'ai trouvé des compléments décisifs sur la famille de Courcival, dont le nom complet est Stellaye de Baigneux de Courcival (les noms nobles sont souvent encombrants : il faut donc des demeures vastes pour les abriter. Voilà sans doute pourquoi ces gens-là ont tendance à habiter des châteaux).

Je suis donc tombé sur une plaquette anonyme qui raconte l'histoire de cette famille avec, en quatrième de couverture, les titres et les armoiries de ces braves gens. Evidemment, le blason est en noir et blanc. Mais les motifs (les trois étoiles) évoquent farouchement le blason de droite sur les vitraux. De plus, sa description en jargon héraldique confirme la proximité entre le blason des de Courcival et la représentation de la chapelle : "de sable (noir), chargé de trois étoiles d'or".


Ainsi donc, les donateurs de ces deux vitraux sont le comte Clément-Marie de Guériff de Launay, capitaine au 12ème Dragons de ligne, et Adèle-Renée Stellaye de Baigneux de Courcival (fille de marquis) née à Mortagne le 13 novembre 1836 et épousée le 17 mai 1858, châtelains de la Herbretais en Marsac.

Reste à savoir quelles furent les motivations qui les amenèrent à faire ce don à cette chapelle.

Je vais donc me risquer ici à une double proposition d'interprétation.

La scène colonial fait peut-être allusion à leur troisième enfant (sur quatre), Auguste-Jules, né le 13 septembre 1862 et qui fut brigadier au 2ème Dragons.

Ce pauvre Auguste mourut en effet à Madagascar dans la fleur de l'âge, le 20 novembre 1899. Mais surtout il était titulaire des Médailles Coloniale et du Dahomey et était également Chevalier de l'ordre du Dragon d'Annam. Visiblement le brigadier avait roulé sa bosse du Zambèze à la Corrèze, plus colonial tu meurs (en effet) !

Ce vitrail est possiblement un hommage de parents endeuillés à un fils mort au service de la France et de ses valeurs civilisatrices, une sorte de stèle commémorative à la mémoire de celui qui demeurait sans sépulture sur le sol de la Mère Patrie.

Dans le même ordre d'idée, je suggère que le second vitrail soit aussi une sorte de stèle en souvenir d'une parente également soustraite au monde.

On trouve en effet qu'une sœur de la châtelaine de la Herbretais en Marsac, Stéphanie-Charlotte Stellaye de Baigneux d'etc... fut reçue dans le "noble Chapitre des Dames Chanoinesses de Sainte-Anne de Bavière". Tout un programme qui sent la clôture et l'éloignement : bref une mort au monde séculier.

Je propose donc que ce vitrail fasse référence à cet engagement en rapport avec la dame à laquelle est dédiée la chapelle, à savoir la brave Sainte Anne.

Voilà, bonne soirée et à bientôt pour d'autres aventures.

lundi 21 avril 2014

La Croix des Quatre Contrées


C'est un coin perdu de la campagne, aux confins de la commune, au point où se rejoignent Guémené, Vay, le Gâvre et Marsac.

Après avoir traversé sur des routes très secondaires de grandes étendues de champs, on aperçoit au loin vers le sud une ligne boisée qui barre l'horizon. On débouche enfin à un carrefour spacieux, à l'angle de la forêt du Gâvre où, sur un bout de terre herbeuse, se dresse une grande croix : la Croix des Quatre Contrées.

Mais si les contrées se bousculent ici, il faut bien admettre qu'on éprouve le sentiment d'être au milieu de nulle part, tant les fermes sont espacées et tant le monde de la "cité" paraît éloigné.

Il faut pourtant imaginer qu'en cet endroit, au long des siècles écoulés, bien des gens sont passés : voyageurs et soldats empruntant la voie romaine de Nantes à Rennes, pèlerins en route pour Compostelle, la Duchesse Anne peut-être, et bien d'autres qui ne faisaient que vaquer dans la région, d'un point à un autre.

De cet endroit démarre une promenade balisée qui, vers le nord, conduit au château de Pont-Veix, empruntant en partie le chemin ancien, permettant ici et là parfois de mettre le pied sur les grosses pierres polies où quelque légionnaire antique posa sa caliga cloutée, usée par tant de marches sur ces terres barbares.

Bien sûr, si l'on est puriste, on dira que la croix n'est par exactement sur le territoire de Guémené : il s'en faut probablement d'une poignée de mètres. Mais ce n'est pas trahir l'esprit de ses promoteurs que de considérer qu'elle est en indivision entre les quatre communes, dont Guémené.

Matériellement, il s'agit d'une très grande croix en granit. Son "tronc" (son fût) est de section octogonale. Cette croix latine repose sur un socle de maçonnerie à pans rectangulaires surmonté d'un entablement de schiste bleu.

Un jardinet touffu mêlé de rocailles forme à son pied un écrin brouillon.

Le socle est mangé de lichens gris sur lesquels des inscriptions en grosses capitales dorées indiquent une date d'érection (1850) et le nom des communes selon l'orientation de chaque côté : MARSAC, VAY, LE GAVRE et enfin...GUENOUVRI : Guémené n'est donc mentionné qu'à travers sa section-fille de Guénouvry, mal orthographiée ...

Mais bon, c'est pas grave : le coin vaut le détour.














dimanche 20 avril 2014

Vitrail et mitraille


Voilà un moment que je cherchais à revisiter la chapelle Sainte-Anne des Lieussaints (ou de Lessain ou de etc...) où j'avais manqué, la dernière fois, de prendre des photos des vitraux, me concentrant sur les fresques.

En arrivant ce matin sur le sommet de la colline où perche cet édifice qui domine la vallée du Don, voyant de loin sa porte latérale grande ouverte, je savais ma persévérance enfin récompensée.

Il faisait bien sombre et pas trop chaud dans la petite chapelle.

Je me suis d'abord dirigé vers les deux vitraux proches de l'autel et qui sont les plus intéressants du point de vue artistique.

Il sont l'oeuvre du maître-verrier Antoine Meuret de Nantes, déjà mentionné pour ses importantes réalisations dans l'église de Guémené :



Je n'ai pas réussi à en identifier les commanditaires, en dépit de la présence de deux blasons surmontés d'une couronne comtale, au bas des deux ouvrages (peut-être à gauche, celui des de Gueriff de Launay, du château de la Herbretais, à Marsac). Si donc vous avez l'information, je suis preneur.



Le premier vitrail, à droite de l'autel, est singulier en ce qu'il représente une scène de guerre coloniale.

Une petite troupe d'infanterie de marine, pantalon blanc, casque colonial (modèle 1885) frappé de l'ancre, vareuse à double rangée de boutons et guêtres, progresse dans une nature exotique, avec pour fond de hautes collines sombres.

Elle est commandée par un jeune officier moustachu plein d'entrain et sabre au clair. La troupe, derrière, semble plus perplexe et moins lancée vers l'aventure consistant à civiliser les autochtones à coups de fusils. On dirait même qu'elle est un peu "paumée".

On remarquera un jeune clairon sur la gauche qui semble avoir remarqué quelque chose au loin.

L'ensemble de la scène est surmontée d'une figure un peu mystérieuse assise dans les nuages, une femme apparemment.





























Le vitrail qui lui fait face n'est pas signé, mais doit provenir du même atelier que le précédent. Il a d'ailleurs pour donateurs le même couple de comte et comtesse inconnus.

La scène principale met en scène deux femmes devant un nouveau-né dans un berceau monté sur patins.

La plus jeune est revêtue de bleu et est agenouillée devant l'enfant, mains jointes, tandis que la seconde est debout et porte des vêtements clairs. Il s'agit probablement de Marie et de Sainte Anne, sa mère.

Le tableau prend place dans une pièce carrelée avec à l'arrière-plan des grands pans d'un rouge sombre marqués de motifs circulaires.

Un bon Dieu barbu plane dans le ciel juste au-dessus, bras écartés.






























Tant que j'y étais, j'en ai profité pour examiner les deux autres vitraux, moins vivement colorés, présents vers le fond de la chapelle. Ils sont d'une autre série et probablement d'un autre artiste (pas de signature visible).

Tous deux sont dédiés à Sainte Anne qui en orne la partie centrale par deux "portraits" quasiment identiques :

























Des "phylactères", ces rubans de paroles fréquents dans les représentations religieuses, louent les mérites de la sainte dans un lyrisme dont on se demande à quelle source exacte il peut bien puiser, mais qui m'a un petit air de saint-sulpicisme rance, une odeur de fond de sacristie où se mêleraient sans discernement l'encens, la bougie et l'humidité :

"Sainte Anne, Tige fleurie, Institutrices des Vierges ",

"Mère des veuves, Sainte Anne, priez pour nous",

"Sainte Anne, racine féconde, Gloire de la Terre",

"Rampart de l'Eglise, Sainte Anne, priez pour nous".

Il est fort à craindre que l'auteur de ces sentences, à qui l'eau bénite est visiblement montée à la tête, n'ait pas été vierge, hélas. Car sinon, cette personne aurait forcément eu pour institutrice la bonne Sainte Anne qui lui aurait dit que "Rampart" (correct en anglais) s'écrit "Rempart", en bel langaige françouais !

Quoique selon Saint Âne,...







La chapelle de Planté


C'est une excursion que j'ai réalisée il y a déjà quelque temps par une journée maussade, comme celle qui se profile aujourd'hui.

La chapelle de Planté se trouve à 23 kilomètres au sud de Guémené, près du bourg de Quilly. Cette bourgade, comme bien d'autres de la région, fut englobée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans la "Poche de Saint-Nazaire", zone que les troupes allemandes défendirent jusqu'au dernier jour du conflit.



La chapelle Notre-Dame de Planté est liée au folklore et à l'Histoire locaux ainsi qu'à un ermite mangeur de patates,  Julien Château.

C'est un joli bâtiment entretenu et restauré qui surgit dans la campagne au milieu de rien. Le corps principal du bâtiment est surmonté d'un clocheton pointu qui se termine par une sorte de paratonnerre embrochant un pauvre coq.

Il est flanqué d'appentis au nord et d'un petit oratoire au sud, ce dernier ayant servi de résidence à l'ermite précité. Une joli petite croix de pierre domine le faîte de la façade ouest, percée d'une longue et étroite ouverture en forme de meurtrière.

Si l'on en croit les affichettes disposées à l'intérieur de l'édifice, une première chapelle fut érigée au XIIIè siècle. Le bâtiment actuel résulte de réfections datant de 1816. Cette chapelle avait échappé aux saccages de la période révolutionnaire car elle aurait servi de dépôt de munitions aux "Bleus".







L'oratoire accolé au flanc sud de la chapelle se prolonge par une sorte de petit préau dont le toit repose sur un gros pilier de pierre. Sous ce préau, deux fontaines situées au ras du mur, juste à côté de la porte. Un peu plus au sud, en contrebas, se trouve une sorte de piscine en pierres que je n'ai pas photographiée (curieusement).

Les fontaines avaient, dit-on, pour vertu de donner du lait aux nourrices et la piscine, de guérir les femmes de certaines maladies...

Il est possible d'ailleurs que la chapelle résulte d'un vœu d'un antique seigneur de Campbon dont le nouveau-né aurait été sauvé.













Difficile de ne pas évoquer en ces lieux la mémoire de l'ermite de Planté, Julien Château. Une statue posée sur un piédestal représente le bienheureux habillé en "frère tertiaire de Saint-François d'Assise" (ordre de franciscains destinés à vivre dans le monde et non dans un couvent) : sandales, robe de bure, corde à trois nœuds, chapelet à la ceinture....

Le brave Julien à l'air en grande discussion avec le Ciel. Le port de la tête, le geste des mains, confèrent une grande expressivité à cette statue qu'on entend presque parler : "Mon Dieu, suis-je digne de figurer sur ce podium ? Qu'ai-je fait pour mériter cette publicité ?"

Là est bien, en effet, la question.

On ne sait trop sous quelle influence, à 21 ans, Julien, fils de famille aisée dont les parents étaient décédés, prit l'habit et vendit ses biens pour les donner aux pauvres. Il alla se réfugier dans une grotte où il passa six ans en grande austérité.

Comme son refuge ne disposait pas vraiment du confort moderne, ses supérieurs, craignant pour sa santé, lui enjoignirent d'occuper un autre local, à savoir l'oratoire attenant à la Chapelle de Planté où l'on peut voir un petit autel de pierre sur lequel un bouquet a été disposé.





C'est dans cet espace réduit que le bienheureux passa les quinze dernières années de sa vie. Une vie pas drôle, faite de prières et de pénitences sévères.

Il ne mangeait qu'une fois par jour, et encore des pommes de terres et des herbes bouillies : pas de vin, pas de poisson, pas d’œufs, pas de viande ! de quoi garder la ligne et ne pas desserrer le chapelet autour du bide.

Ajouter à cela un peu d'exercice physique et vous aurez le secret de ce régime : il effectuait tous les jours le trajet par champs et par vaux jusqu'à l'église de Campbon, à six kilomètres, afin d'y écouter la sainte messe. Sans doute avait-il de l'entraînement car il avait fait deux fois le pèlerinage de Rome et une fois celui de Compostelle. Le tout en sandales, faut oser.

Il complétait son emploi du temps en catéchisant les enfants du coin et en entretenant son petit jardin où il cultivait les patates.

Car vous le lisez bien : alors que Parmentier n'était pas encore né (il n'avait que six ans à la mort de Julien Château), la patate croissait et se multipliait déjà en France non loin de Guémené-Penfao grâce aux pieuses cultures du bienheureux de Quilly. A bas l'imposteur ! Vive Julien Château à qui les enfants et les édentés doivent la purée !

Ce bienfaiteur de l'Humanité, "épuisé par les jeûnes et les austérités", s'éteignit dans son petit oratoire où l'on voit encore la pierre ou il reposait sa tête. Il avait 46 ans, c'était le 11 mai 1744. 


***

L'intérieur de la chapelle présente plusieurs éléments d'intérêt.

On y distingue la charpente du toit qu'aucun plafond ne vient cacher à la vue. Près de l'autel une pierre creusée prise dans le mur fait un fruste bénitier.

Mais le plus curieux est une grande peinture dressée au-dessus de l'autel, entre deux niches désertées par leurs saints.

On y trouve la naïveté des ex-voto, une fraîcheur d'art populaire. On doit cette composition à un artiste nommé Lemasson, suite à une demande des habitants de Quilly. Peut-être s'agit-il de Paul Lemasson, né et décédé dans la région de Nantes, qui eut pour professeurs des élèves de Puvis de Chavannes et de Maurice Denis, et dont la renommée n'est pas nulle.

Le tableau s'intitule "Reconnaissance 1945" : il attribue à la bienveillance de la Vierge le fait que l'église de Quilly ait été miraculeusement épargnée de la destruction malgré des bombardements intenses lors de la période des neuf derniers mois de la guerre, alors que, dans la "Poche de Saint-Nazaire", les clochers du coin (points d'observation appréciables) étaient la cible des artilleurs.

Cette bienveillance virginale est marquée par un bras protecteur au-dessus de l'église dont descend un faisceau blanc.

Au bas à droite de la composition, une église est très endommagée et de la fumée sombre s'en échappe : il s'agit de Notre-Dame de Grâce du bourg voisin de Guenrouët.

Voici pour vos yeux :