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dimanche 12 janvier 2014

Camille Godet à Guémené


Qui est donc Camille Godet ?

Si je vous disais que 144 oeuvres d'un peintre et dessinateur sont représentées au Louvre ou dans un grand musée d'une capitale régionale française, et qu'une grande composition de cet artiste est présente à Guémené, au vu et au su de tout le monde, d'accès libre et gratuit (je sous-entends : et personne ne le sait, tout le monde s'en fiche...) : je suis prêt à parier que vous ne me croiriez pas.

Voici pour moi l'occasion de finir la série d'articles sur les richesses picturales et graphiques de Guémené, entreprise grâce à la rencontre de l'Adjointe à la Culture de Guémené, et de finir en grand.

Car en effet, passant comme beaucoup d'autres, l'autre jour, dans le bâtiment de la Mairie, je ne me serais pas forcément arrêté dans la grande salle qui donne, au sud, sur la rue de l'Hôtel de Ville. Elle sert aux réunions du Conseil Municipal mais, sinon, elle forme une sorte de grand vestibule qu'on traverse quand on a affaire à la Mairie et rien n'incite à y stationner, d'autant que rien dans son éclairage n'indique qu'il y ait quoique ce soit à regarder.

Dommage. Et heureusement, les édiles guémenois ont eu la bonne idée de me signaler que cette vaste pièce était décorée...

Elle possède en effet, principalement sur deux de ses parois, un vaste ensemble de peintures murales datant de 1930 et qui sont l'oeuvre d'un artiste appelé Camille Godet dont on voit ci-dessous un autoportrait en jeune homme datant de 1897 (qu'on peut admirer au Musée des Beaux-Arts de Rennes).


Camille, sa vie, son oeuvre :

Camille Godet, est né à Rennes le 5 juillet 1879 au numéro 3 de la rue du Vau Saint-Germain à Rennes, dans le quartier du Parlement de Bretagne. Papa Godet était débitant.


En 1893, il intègre l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il étudie jusqu'en 1898. Il obtient tous les ans différents prix (brave petit ! heureux, son papa à lui !).

En 1898, il entre à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. En 1900, il interrompt ses études et travaille comme ébéniste pour le mobilier des églises de Rennes.

Camille Godet se marie en 1907.

En 1913, il devient professeur de dessin industriel aux cours du soir de l'École des Beaux-Arts de Rennes. Quand la Première Guerre mondiale éclate, Camille Godet s'engage et part pour le front où il effectue des levés, des corrections de plans et des cartes d'état-major. Mais surtout, il réalise de nombreux croquis de scènes de guerre et rencontre un autre peintre breton, Mathurin Méheut, avec lequel il se lie d'amitié.

À la fin de la guerre, il reprend son poste aux Beaux-Arts de Rennes. Sous la direction de l'architecte Emmanuel Le Ray, il participe à la décoration de l'Hôtel de Ville de Rennes avec un Panthéon dans le vestibule de l'ancien présidial. Il s'agit d'un tableau d'honneur sur lequel figurent les Rennais tombés pour la Patrie au cours de ce conflit, inspiré de croquis de guerre : Camille Godet réalise ainsi une grande frise peinte sur toile de 26 mètres de long sur une hauteur de 1mètre 60.

Tout en conservant ses activités aux Beaux-Arts, l'artiste se voit confier par les architectes Laloy et Le Ray l'enseignement du dessin à l'école de préapprentissage qu'ils viennent de fonder en 1919 (il y restera une trentaine d'année). Cette même année, il décore la salle de la Maison du Peuple à Rennes (10, rue Saint-Louis, la Cité actuelle) d'une fresque intitulée Le Travail. Pendant les travaux, Camille Godet réalise de nombreux croquis des ouvriers du chantier qui lui servent de modèles pour la décoration de cette salle.

Il parcourt la Bretagne, dessinant et peignant des plages, des pardons, des scènes de la vie quotidienne...

Enfin, Camille Godet meurt à son domicile de Bain-de-Bretagne le 10 octobre 1966, et est inhumé au cimetière de l'Est de Rennes.

En dehors des sites évoqués ci-dessus, ses oeuvres sont représentées au Musée des Beaux-Arts de Rennes et peut-être à l'Opéra de Rennes où une fresque, dans un salon, lui est attribuée.


Camille à Guémené :

Les décors muraux de la Salle du Conseil de Guémené célèbrent le Travail (agricole et artisanal), mais aussi, en principe, la Paix, la Famille et la Patrie. Nous sommes en 1930 quand ces travaux sont achevés, et si le Travail paraît bien illustré, le reste est plus discrètement représenté...

La célébration du travail des champs couvre tous le panneau nord de la salle ; l'artisanat est représenté par le bûcheron et le forgeron, deux compositions situées sur le mur est de la pièce, chacune de part et d'autre de la cheminée.

Autant que faire se peut, chaque "tableau" ancre son action dans le paysage de Guémené, ainsi que l'on peut le vérifier à certains détails.

Le travail des champs

Le thème en est la moisson. Dans un champ de blé doré, quatre personnages s'affairent. A gauche, un paysan affûte sa faux devant les épis bien droits et bien drus. Il est en chemise, chef couvert et porte à la ceinture un étui pour ranger son aiguisoir (ou plutôt sa pierre à aiguiser, objet bleu sombre et oblong bien familier encore dans les années 60). A sa droite, vue de dos et courbée, une femme en sabots et coiffe coupe des épis à la faucille.

De l'autre côté du tableau, des gerbes dressées attendent d'être ramassées. Deux hommes, l'un en casquette et chemise, tête basse et outil à l'épaule, l'autre masqué par un énorme bœuf qui tire une charrette remplie de paille, s'en reviennent avec leur chargement.

La scène semble se dérouler non loin du bourg de Guémené : on reconnaît, tout en haut à gauche de la composition, des éléments permettant d'identifier la Butte, avec un moulin et le donjon crénelé de la Grée-Bréhaut. Une maison évoque la présence d'un village, à droite.

D'autres détails intéressants à noter : les palis bleuâtres de schistes, pierres dressées typiques de notre région qui marquent les limites de champs, et, si l'on regarde bien, tout contre l'un des arbres du premier plan à gauche (des pins apparemment), une cruche avec un bol à cidre sur le goulot (on n'est pas à Guémené pour rien...).

Ce panneau comprend la signature de l'artiste et la date de l'oeuvre. Il est entouré d'une frise formée de motifs fruitiers et géométriques. Tout en haut, les deux mots "PAX" et "LABOR" sont peints en grosses capitales.















Le bûcheron

Le panneau du bûcheron est plus simple. La scène se passe dans un sous-bois, dans un sentier, à quelque distance d'un village (au fond, on distingue à peine quelques bâtiments). Un bûcheron, en bottes, blouson et chapeau, attaque à la hache un arbre sans feuillage sinon quelques feuilles mortes éparses encore accrochées aux branches (d'autres arbres sont figurés avec un "feuillage").

Il se présente de face, jambes écartées, la tête tournée vers l'arbre sur le côté, les yeux mi-clos. Une mèche de cheveux dépasse sur son front.

Le fil de la hache brille : l'outil est bien affûté. L'homme n'en est pas à son premier coup : le bas du tronc semble porter la trace de frappes antérieures.




Le forgeron et la fileuse

Le panneau de droite du mur est est consacré principalement à l'illustration du travail du forgeron dont on voit l'atelier. Mais dans une échappée, à droite, s'encadre une femme filant le rouet sur fond de bourg de Guémené.

Le forgeron est un costaud à moustache, en tablier de cuir, devant l'enclume sur laquelle, les yeux baissés, il travaille une barre de métal. Par terre dans l'atelier, des pièces déjà forgées à droite avec des outils, et un seau pour refroidir les pièces, à gauche. Le devant de l'enclume rougeoie comme le côté du forgeron (le foyer, hors champ de la composition, doit donc se situer sur le devant à droite de l'artisan). Derrière lui, une sorte d'établi sous un carrelage mural.

A noter, quelques fers à cheval suspendus au mur, au-dessus de la tête du forgeron.

Dans l'hommage que Camille Godet rend au travail, celui des femmes se limite à la paysanne à la faucille susmentionnée et à la fileuse de ce panneau.

Cette dernière s'encadre dans la porte de l'atelier du forgeron, en coiffe et sabots comme la paysanne. Considérons qu'il s'agit d'une voisine ou de l'épouse du forgeron qui travaille dans la cour de l'atelier.

Au loin, au-delà des bâtisses de la cour, on reconnait le clocheton de la Mairie à côté d'une hypothétique tour (ou moulin).










Autres représentations

L'éclairage de cette salle était tellement peu propice à la photo (comme on peut évidemment l'avoir remarqué) que je n'ai pas rapporté grand-chose des éléments de décoration plus restreints qui sont présents sur le mur sud de la salle.

Au-dessus des grandes fenêtres les mots "FAMILLE" et "PATRIE" se détachent. Les bords extérieurs des fenêtres comprennent quelques ornements mais qui sont très difficiles à voir (et à photographier).

J'ai pu apercevoir toutefois un personnage en chapeau, gravissant une tribune sous un drapeau français...dont je n'ai pas très bien compris de qui il s'agissait ni ce qu'il représentait...




Il reste donc pas mal de choses à dire et à écrire sur le sujet...

A bientôt !

3 commentaires:

  1. Le musée des beaux-arts de Rennes lui consacre une très importante exposition rétrospective, qui finit le 3 septembre. Hélas je ne l'apprends qu'aujourd'hui. Il en est parlé ici : http://www.latribunedelart.com/camille-godet-peintre-dessinateur-et-pedagogue-en-bretagne

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    1. Hello,
      Je suis allé voir cette exposition et vraiment cela vaut le coup. Malheureusement il n'y avait pas de catalogue ni de repros à la boutique du musée...

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  2. Cher ami,
    Il y a(ura) un catalogue, par les commissaires de l'exposition. Le contraire m'eut déçu de la part de ce musée exemplaire. Il a été retardé pour les raisons évoquées dans l'article précité. Il peut déjà être commandé sur les sites de la FNAC ou Leclerc et disponible dans une à deux semaines, et peut-être déjà sur place à Rennes.
    Les références : Sous la direction de Guillaume Kazerouni et Benoît Ollier, Camille Godet 1879-1966. Un peintre, dessinateur et pédagogue en Bretagne, Snoeck, 224 p., 26 €. ISBN : 97894-6161-365-3.

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