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dimanche 28 avril 2013

La Nouba au Grand-Fougeray


J'ai toujours aimé le Grand-Fougeray qui fait partie, pour moi, du territoire que mes souvenirs d'enfance m'amènent à inclure dans le Pays de Guémené-Penfao. Et j'y repasse toujours, en venant de Paris à Guémené, sans éviter le "centre ville" où plane ce passé.

Dans les années 60, au mois d'août quand toute la famille s'entassait dans la maison de La Hyonnais, à Guémené, il arrivait que mon père se lève de bonne heure, avant tout le monde.

Je sortais de la maison avec lui, sans faire trop de bruit pour ne pas réveiller ma mère, ma grand-mère ou ma tante. J'ai le souvenir de petits matins ensoleillés sur la cour poussiéreuse où dormait la 4Chevaux grise ou la Dauphine rouge qui lui succéda.

Mon père ne conduisait qu'à Guémené, laissant la ville et la route à ma mère. C'était donc un événement rare pour moi que de partager un moment avec lui conduisant, et moi à ses côté.

La route du Grand-Fougeray passe à portée de La Hyonnais, vers la Viellecour. Une petite balade dans la campagne sous un premier soleil doux.

Le but de cette promenade était toujours le même. Nous arrivions sur la place de l'église du Grand-Fougeray et nous nous attablions à l'Hôtel de France pour un petit déjeuner. Il n'y avait guère de monde : le moment nous appartenait. Dans mon souvenir, le pain était frais et craquant, plus gros que celui que nous prenions ordinairement pour la consommation domestique, chez Tardif à Guémené. Et puis on nous apportait de la confiture, ce qui ne constituait pas une composante usuelle non plus de nos petits cafés au lait du matin.

Bref, tout : l'escapade discrète à l'insu de la famille, le lieu avec ses vieux meubles, comme la nourriture, contribuait à un doux dépaysement, à une excitation tranquille.

Je ne peux à vrai dire songer à ces moments sans encore en ressentir une sensation physique tiède, douce et apaisante, ainsi que, sans surprise, un regret.

Une fois rassasiés, nous allions dans un magasin de la place dont je n'ai aucun souvenir, où l'on vendait des bibelots, un peu comme chez Ménard à Guémené. On y trouvait de ces petites faïences façon Quimper, naïves et grossières, des bols avec des bretons à chapeau et des prénoms, des vases de la même veine et bien d'autres choses. Mais mon père avait à coeur de ramener un "cadeau" à ma mère.

Ce pèlerinage matinal au Grand-Fougeray se limitait toujours à ce que je viens d'en décrire, et comme on le constate, il s'agissait de quelque chose de bien innocent : nous n'allions pas "faire la nouba", pour utiliser une expression que mon père affectionnait.

Le retour s'effectuait avec la même tranquillité et la même excitation que l'aller, ruminant le plaisir que  me procurerait la tête de ma mère ou de ma grand-mère (cette dernière que mon père appelait "maman" alors qu'ils avaient à 6 ans près le même âge !) quand on lui ferait la surprise du cadeau.

A notre retour, la maison s'était ébrouée et la joie simple des braves gens commençait d'illuminer cette nouvelle journée d'été à Guémené.

Plus tard, je me suis constitué d'autres souvenirs du Grand-Fougeray, autour de la Tour Duguesclin bien sûr ou autour des courses hippiques qui présentent toujours dans les bourgades de campagne un spectacle familial amusant, dans le fumet mélangé du crottin et des saucisses grillées pour les galettes.

Les courses sont certes dans nos contrées une fête bon enfant, mais c'est aussi un événement annuel que pour rien au monde on ne manquerait. A celles de Guémené venait ma grand-mère Gustine : je la revois avec son petit manteau noir et son sac à fermoir doré grimper dans les gradins ou s'asseoir dans un coin dégagé en haut de la Butte qui surplombe l'hippodrome de Guémené.

A la fin des années 20, les courses du Grand-Fougeray se tenaient déjà bien sûr et furent l'occasion de réjouissances.

Des photos transformées en cartes postales ont immortalisé ces moments. Il s'agit de photos de la "Nouba", d'abord place de l'église, puis sur l'hippodrome.

Sur la première, à deux heures de l'après-midi si l'on en croit l'horloge du clocher, la Nouba passe devant l'église pour gagner l'hippodrome : des soldats à la peau sombre, coiffés d'une sorte de fez, portant des instruments de musique, sont conduits par un gros officier ou sous-officier blanc à képi. A l'arrière-plan, un manège avec nacelles et une roulotte blanche.

La foule semble partagée entre la fin du repas du dimanche, la sieste et l'hippodrome tant la place semble déserte.

L'église du Grand-Fougeray arbore son tout récent clocher, restauré vers 1923, adorné d'une haute tribune en forme de tourelle d'angle à clocheton. Je me demande bien d'ailleurs qu'elle idée curieuse à concouru à la construction de cet appendice aérien. Sur une carte postale plus ancienne ci-après, on peut comparer le clocher rénové avec son prédécesseur plus trapu.




La Nouba est donc la fanfare d'un régiment colonial.

Ce régiment est le 41ème Régiment de Tirailleurs Malgaches basé depuis le milieu des années 20 à la caserne Mac-Mahon, à Rennes où il est de toute les fêtes, de toutes les cérémonies. C'est donc assez logiquement que l'on retrouve cette "troupe" mise à contribution pour la fête du Grand-Fougeray qui se tient à cette époque le premier dimanche de juillet.

Sans doute ont-ils été acheminés par train depuis Rennes jusqu'à Pipriac, et qu'il se sont tapés les 15 derniers kilomètres à pied et en chantant s'il vous plaît, le rythme étant donné par le gros blanc à képi qu'on imagine bien à cheval pendant que les autres marchent en cadence. Mais, c'est bien connu, le Malgache aime marcher tandis que le Blanc aime faire marcher le Malgache...

On retrouve nos petits gars sur l'hippodrome où la foule n'est pas encore présente pourtant.





Ces photos montrent bien l'hippodrome du Grand-Fougeray si caractéristique de ces hippodromes campagnards, au milieu des champs, et si arboré.

La Nouba exécute ses morceaux devant la tribune et un public clairsemé. Un deuxième sous-off blanc lève les bras pour diriger la fanfare tandis que le gros devant souffle dans son clairon.

Heureuses gens, heureux fulkériens qui avez pu admirer et écouter la Nouba. Si comme le le pense ces clichés datent de début juillet 1928, il s'agit en effet de l'une des dernières prestations publiques de la fanfare coloniale de Rennes.

Le régiment quitta en effet Rennes et sa région début novembre 1928 pour Fontenay-le-Comte en Vendée. A l'évidence son départ de la capitale bretonne fut un déchirement pour certains qui avaient apprécier ces soldats étranges et sympathiques qui déambulaient dans la ville, ou bien leur musique dont ils ne furent pas avares à régaler les passants pendant les 3 ou 4 années de leur séjour rennais.

Les Tirailleurs Malgaches laissèrent la ville en deux détachements. Le premier partit à l'aube et ne put entonner une dernière fois ses airs dans la ville endormie. Le second s'embarqua l'après-midi avec discrétion également même s'il put faire sonner une dernière fois ses clairons à l'oreille des rennais.

C'est ainsi que disparut à jamais du paysage de nos campagnes la Nouba qui enchantait la Bretagne des années 20.


samedi 27 avril 2013

Clercs en goguette


Quand Bret et Carudel se sont quittés hier soir après l'apéritif, ils sont rentrés chez eux, bien sûr pour dîner. Sitôt fait, ils se sont assurés que leurs habits du dimanche étaient bien prêts. Car demain est un grand jour pour Bret et Carudel, un jour qui compte dans la vie d'un clerc de notaire.

En effet, ce dimanche 31 mai 1931, Guémené accueille l'Assemblée Générale de l'Amicale des Clercs de notaire et du personnel des études de l'arrondissement de Saint-Nazaire. Ce n'est assurément pas une petite affaire, et l'on peut dire que depuis quelques temps, cela s'agite pas mal chez les gratte-papiers des deux notaires de Guémené.

Pensez donc, Jean Bret est principal clerc chez M° Henri Fournis et il a le privilège d'occuper le poste de Président de l'Amicale des Clercs de notaire. Une lourde responsabilité qui lui a valu pas mal de soucis ces derniers temps. Heureusement que Émile Carudel était là pour prêter main forte à l'organisation de cette assemblée générale. Carudel est un homme de sens, également clerc principal, mais dans l'autre étude guémenoise, l'étude de M° Eugène Geffray.

Jean Bret est veuf et Émile Carudel célibataire. Deux quinquagénaires un peu esseulés.

En se levant ce matin, Bret et Carudel ont pu voir que le ciel était nuageux. Pas sûr qu'il pleuve, ça pourrait même bien s'améliorer l'après-midi. Enfin, il ne fera pas trop chaud, c'est toujours ça. Un coup d'oeil dans la glace avant de sortir : les raies sont bien droite sur les têtes, et les cheveux restants, courts et nourris de gomina, sont bien plaqués sur les crânes.  Les filles Bret, Marie (9 ans) et Germaine (19 ans), embrassent leur vieux papa ; Emile salue sa belle-soeur. Allons-y.

Les membres de l'Amicale doivent arriver en début de matinée. Un car est parti de Saint-Nazaire vers 7 heures 45 et ramasse sur son trajet les membres de l'arrondissement qui sont accueillis à chaque fois avec des vivats et des cris de bienvenue. Savenay est bientôt passé, puis c'est Bouvron, Blain, la forêt du Gâvre et enfin Guémené.

A leur descente du car, la vingtaine de clercs se salue. Nouvelles depuis l'an dernier, présentation des nouveaux. Puis tout ce petit monde s'achemine gentiment vers la salle de l'Assemblée, sur un pas de promenade et sous le regard curieux des paroissiennes endimanchées chargées de pain de ménage pour la semaine ou qui trottinent vers la grand-messe, et des hommes en casquette qui commencent à gagner les cafés.

Vers 11 heures enfin, la troupe est au complet. Bret, Président de l'Amicale, et Carudel accueillent avec bonhomie la troupe qui, petit à petit, prend place en raclant les chaises de la salle des fêtes. Puis Bret, Président de l'Amicale, prend la parole. Il commence par saluer la mémoire de notre regretté Président d'honneur, décédé récemment, et adresse à sa famille "ses sincères sentiments de condoléances". Il achève ces prolégomènes en saluant particulièrement la délégation nantaise forte de quatre délégués.

Sans doute fatigué par cette entame, Bret passe la parole au Secrétaire de l'Amicale pour la lecture du rapport moral.

Le Secrétaire est content, car le nombre de membres est conséquent et très représentatif de la population des clercs de l'arrondissement : 70 membres dont 44 actifs. Certes tout n'est pas parfait, et il y a bien des études dont il convient de déplorer la carence, surtout aux assemblées générales. Aussi, dans un élan rhétorique dont il a le secret, le Secrétaire lance un vibrant appel aux clercs et employés de la région pour qu'ils rejoignent la légion amicale des fantassins du notariat.

C'est ensuite au tour du Trésorier de monter à la tribune. Là aussi, pas de souci : les caisses sont pleines, notamment grâce à la générosité des membres honoraires qui se font visiblement un peu soutirer le porte-monnaie par les collègues.

Le Secrétaire reprend alors la parole pour évoquer une autre source de satisfaction puisée dans une actualité politique sociale très importante pour la cléricature. Une loi vient en effet d'être votée qui accorde la retraite aux clercs. Comme ce texte doit encore faire l'objet d'un examen au Sénat, le Secrétaire "exprime le voeu que MM. les Sénateurs voudront bien accorder à la corporation leur confiance avec la juste récompense à laquelle elle estime avoir droit". Bret et Carudel y songent, à respectivement 54 et 57 ans :  car ils n'ont pas vraiment l'intention de "décrocher leurs panonceaux", comme on dit dans la profession.

Le Secrétaire en profite d'ailleurs pour montrer combien la situation des clercs s'est améliorée depuis la guerre de 14, grâce naturellement à l'action de l'Amicale. Un peu de pub, ça ne mange pas de pain.

Comme tout va bien et que les ventres commencent à gargouiller derrière les plastrons amidonnés, l'Assemblée entame sa dernière phase : les nominations.

Carudel est élu Président d'honneur et en rosit de bonheur, sous les acclamations de la salle qu'il accueille avec sa modestie naturelle. D'autres emportent quelques postes à pourvoir.

Bientôt midi et demi. Il est temps d'aller déjeuner.

Le cortège parcourt les rues de Guémené et arrive place Simon à "l'Hôtel des Voyageurs", alias le "Petit Joseph". La propriétaire, Thérèse Goupil, les attend sur le pas de la porte.

Dans la salle du banquet, le personnel de l'hôtel a disposé des guirlandes et des fleurs.

Chacun se positionne autour de la grande table, Carudel gagne en se dandinant sa place : il préside les agapes.

De l'avis général, c'est un beau banquet : service parfait, cidres et vins "recommandés", cuisine excellente. Merci Thérèse. Au dessert, Bret s'emballe et dans un hoquet de champagne souhaite santé et prospérité à la compagnie et à l'Amicale.

Un café et un pousse-café là-dessus, langues et gorges entonnent quelques chansons "traditionnelles" pour la digestion, puis les faces rubicondes sortent respirer l'air doux de l'après-midi. Les ventres se sont arrondis, les canotiers commencent à tanguer sur le côté. Oubliés la casquette à visière, les manchons de lustrine, le rond de cuir et les longues heures d'écritures fastidieuses à l'étude. Vive la fête, vive Guémené ! A bas les hémorroïdes !

La suite de l'histoire est de la responsabilité d'un clerc de Saint-Nazaire qui la raconte. Visiblement nous sommes au coeur de l'Assemblée Générale : le compte-rendu se fait plus elliptique.

On part dans la campagne reconnaître quelques sites remarquables du pays guémenois qui en compte de "vraiment merveilleux". Le soleil tape un peu et conjugue ses efforts au cidre, au vin, au champagne et à l'eau-de-vie pour déstabiliser certains membres de l'Amicale. On déplore ainsi quelques chutes, inévitables en terrain glissant.

On peut se demander quand même si ce beau monde n'avait pas un peu abusé de la boisson. Car le clerc de Saint-Nazaire nous indique que ces chutes vinrent égayer cette agréable sortie...en montagne ! Pour confondre le Rocher des Amoureux avec le Pic du Midi et Mont Noël et ses vergers avec le Mont Blanc, il faut au moins avoir de l'imagination.

Pendant que les anciens cuvent et rêvent de hauteurs, les plus jeunes filent à Beslé pour quelques tours de valse et quelques tangos chaloupés à la guinguette du Port.

Mais hélas, toutes les bonnes choses ont une fin. Bientôt le car ramène son petit monde vers Le Gâvre, Bouvron, Savenay et Saint-Nazaire. On entend quelques ronflements malgré le bruit du moteur...

La rumeur de la fête de dissipe. Bret et Carudel se frottent la panse : une bien belle journée, une grande réussite. On se remémore les gadins dans la campagne, les plats de la mère Goupil, le champagne.

Chacun regagne enfin son logis, retrouve sa visière, ses manchons de lustrine et son rond de cuir, sa belle-soeur ou ses filles. On s'en promet pour l'année prochaine.

Voici, pour achever cette belle journée, quelques photos souvenirs d'Eugène Geffray, notaire ; de Thérèse Goupil (jeune) et le "l'Hôtel des voyageurs" dans les années 30 du siècle dernier.




dimanche 21 avril 2013

Un 19 mai 1940 incongru et prudent


Le 19 mai 1940, l'offensive allemande en Belgique et en France dure depuis 10 jours.

Face aux graves difficultés, le Général Weygand  - antidreyfusard et maurrassien qui fut en 1937 l'un des signataires d'un manifeste de soutien des "intellectuels" à Franco -  remplace le Général Gamelin à la tête des armées françaises pour lutter contre les armées fascistes hitlériennes...

L'armée allemande fait une pose dans sa progression (enfin Péronne est prise quand même). Une contre-attaque des blindés du Colonel De Gaulle est menée vers Laon, mais reçoit, en dépit de ses progrès, ordre de se retirer...

A Londres, Churchill assure que le gouvernement français se battra jusqu'au bout : c'est ce que lui a affirmé Paul Reynaud, le chef "indomptable" de ce gouvernement qui l'était moins...

Evidemment, à Guémené, on est loin de ces péripéties. Mais pourtant, la journée s'apprête à être tout aussi passionnante.

C'est qu'en effet, c'est jour de fête et même de fêtes.

C'est d'abord, spiritualité oblige, la communion solennelle des enfants du pays. Les garçons portent leur brassard au bras gauche et la raie bien droite sur leur petite tête bien lavée fraîche émoulue d'une séance de coupe chez le coiffeur. Ils ont revêtu leur magnifique petit costume à culotte courte et arborent le noeud papillon au col. Les souliers font bien un peu mal aux pieds, mais ils n'ont jamais été si luisants. Un grand cierge à la main entouré d'un bandeau, le missel offert par la marraine dans l'autre main, et en route à travers le pays, Ave Maria aux lèvres.

Les filles sont pas mal non plus avec leur robe blanche serrée à la taille d'une large ceinture portant une aumônière garnie de trois sous pour la quête. Cette robe, c'est celle achetée Au bon marché ou ailleurs, ou bien celle d'une soeur ou d'une cousine ou même de la mère, pour les plus pauvres.

Les estomacs juvéniles sont creux et ça gargouille bien un peu, mais qu'importe, c'est la fête et les coeurs des enfants, des parents et des familles battent, tandis que  la procession s'engage dans l'église.

Je vous passe la suite : vous avez tous fait votre communion (ou équivalent) et vos souvenirs émus sont forcément meilleurs que ma prose.

Au sortir de la grand'messe, Monsieur le Curé étant en forme, il en  profite pour enchaîner sur la bénédiction d'un nouveau matériel d'incendie, là, devant l'église. Cette opération est effectuée en présence des pompiers (ce qui est bien le moins) sous le commandement de Monsieur Bréger, "notre sympathique lieutenant" et des communiants (forcément intéressés puisqu'ils venaient de connaître un véritable feu intérieur).

On peut dire que ce fut également une belle cérémonie. Le Commandant des pompiers de Nantes  M. Boisseau, avait même fait le déplacement et représentait le préfet de la Loire-Inférieure qui sans doute veillait ailleurs ou faisait ses paquets. On trouvait tout naturellement l’inénarrable Emmerand Bardoul, député de Loire-Inférieure (et non de Groland, comme on aurait pu croire), les membres du Conseil municipal de Guémené, les anciens combattants de l'Union Nationale des Combattants emmenés par M° Fournis, l'Association des Médaillers Militaires avec Victor Métayer à leur tête et leurs drapeaux plantés sur le ventre, les jeunes gens de la clique de la Société de Gymnastique et, comme de juste, "des autorités et notabilités de la ville".

On relève également dans la foule la présence de calots insouciants, mais pas très catholiques : il s'agit d'officiers anglais logés chez l'habitant faisant partie du Corps Expéditionnaire. Ils avaient une base dans la forêt du Gâvre, plus tard utilisée par les allemands. Il n'allaient pas tarder à repartir et rembarquer à St-Nazaire, à l'instar de ce qui se passerait à Dunkerque. Voici d'ailleurs une (rare) photo d'époque prise à Guémené que je dois à la gentillesse d'une lectrice (et quasi collaboratrice tant son concours est précieux) où un soldat anglais figure, calot de travers, quatrième tête à partir de la droite :



Mais je reviens à mon affaire. Le parrain de la nouvelle auto-pompe (et de ses accessoires) est M. Victor Métayer, premier adjoint faisant fonction de maire (celui-ci étant mobilisé) et la marraine,  Madame Ribot, qualifiée "d'épouse d'un commerçant en cycles", autant dire une pas grand-chose pour le correspondant local de Ouest-Éclair qui ne devait pas bien la blairer.

Une fois la bénédiction donnée, c'est pas le tout, on organise un défilé pour se rendre au monument aux morts. Monsieur le Curé, très en verve, y récite une courte prière, puis la clique sonne l'appel aux morts. Le Commandant Boisseau n'est pas venu les mains vides : il dépose une palme. Le tout se conclut par la minute habituelle de silence.

Bon, finie la rigolade : retour à la mairie pour le vin d'honneur (tradition républicaine communale) offert par la Municipalité.

Victor Métayer, premier adjoint faisant office de maire, remercie le Commandant Boisseau et Emmerand Bardoul de l'honneur de leur présence, ainsi que le "sympathique lieutenant" des pompiers de Guémené, M. A Bréger (ça ne s'invente pas !), avant de barber tout le monde d'une "allocution de circonstance" (la guerre, la patrie, l'armée, la France, l'honneur, blablabla..).

Histoire de ne pas rester en reste, Emmerand Bardoul, député de Loire-Inférieure, prend la parole pour remercier le Commandant Boisseau et M. Victor Métayer. Il enchaîne sur une "allocution de circonstance", citant quelques faits concernant les événements actuels (la guerre, la patrie, l'armée, la France, l'honneur, blablabla..).

Applaudissements croisés et tchin tchin à ta santé.

Pendant ce temps là, les familles de communiants commencent de s'en mettre aussi plein la lampe.

Dans le fond, vue la période, il n'était pas si sot de prévoir simultanément le secours de la religion et celui des pompiers. Et du vin blanc, bien entendu.

samedi 20 avril 2013

Comment Hyacinthe Evain soigna le Père Nouël


Louis Nouël et Hyacinthe Evain ont un point commun : le nom de chacun de leurs pères est différent du leur : Noël pour l'un, Evin pour l'autre. Cela n'a bien entendu aucune importance et sans doute que dans la vraie vie, la leur, cela n'en avait aucune non plus. Ils étaient probablement bien les fils de leurs pères.

Et puis surtout, bien d'autres choses pouvaient les rapprocher : l'âge à certains égards, même si onze années séparaient leurs naissances ; la particularité de leurs deux occupations, différentes de celles - agricoles - de la majorité des habitants de Guémené, puisque l'un était meunier et l'autre, hongreur.

Mais à tout prendre, comme souvent à Guémené chez les hommes, c'est peut-être un goût partagé de la boisson qui les unissait le plus (en tout cas si l'on en croit les chroniques), jusqu'à la survenue de l'incident qui fait la matière de ce récit et qui dut sceller à jamais leur amitié commune.

La famille Noël ou Nouël a, pendant trois générations, marqué de son empreinte un petit coin caché de Guémené, à savoir l’Étang de la Vallée et son moulin à eau. C'est en effet là que pendant 70 ou 80 ans, cette lignée travailla au moulin en tant que domestique, farinier ou meunier.

Il y a beaucoup de mélancolie attachée à cet endroit déserté de longue date et qui ne bruisse plus de l'activité du moulin, aujourd'hui en ruine, ou de ses habitants, aujourd'hui oubliés. Quand on quitte la route de Guénouvry pour s'engager dans le village de Mézillac, et que l'on poursuit le chemin qui tourne court et pentu vers le fond de la vallée du Don, longeant le ruisseau qui descend dans les fourrés bordant la route, on tombe sur l'étang, encaissé dans une pause de la forte déclivité, couvert de nénuphars et barré au nord par une petite écluse qui commandait jadis à l’alimentation de la roue du moulin (des illustrations en fin d'article).

Et puis la route passe devant le moulin et plonge vers le Don, jusqu’au gué où, guère plus loin, confluent les deux cours d'eau. C'est là que jadis nous venions pêcher ou nous baigner dans le cours caillouteux de la Dana des celtes. J'aimais ces pierres luisantes, ces schistes anguleux bleu sombre et rouille sur lesquels nos pieds glissaient et dont nous faisions de précaires constructions.

Je ne sais plus à quelle occasion cela fait référence, mais j'ai aussi le souvenir diffus d'une guérite près de l'étang où un bonhomme moustachu vendait des galettes et des saucisses (est-ce possible ?) : ma grand-mère était avec nous. Sans doute quelque promenade, un dimanche d'été des années 60, ou bien un rêve nostalgique...

Louis Marie Nouël est né le 30 avril 1864 au moulin de la Vallée. Il est le fils de Julien, meunier. Louis épousera Marie Clavier le 7 octobre 1894 à Guémené, dont il aura plusieurs enfants dont Xavier, meunier à son tour.

Le père de Louis, Julien, né en 1824, est fils d'un cultivateur du lieu et sera employé comme domestique chez Meslin, le farinier du moulin de la Vallée dans les années 1840-1850. Il prendra sa suite en tant que meunier. Je ne saurais dire avec certitude la nuance entre un farinier et un meunier. Disons que le meunier moud le blé en farine et que le farinier fait commerce de la farine. Souvent bien sûr, meunier et farinier ne font qu'un.

Et puis voilà que Louis est victime d'un grave accident. On raconte qu'un beau jour, alors qu'il a 30 ou 40 ans, tandis que la nuit gagne le fond de la vallée du Don, sa manche et sa main sont prises dans les meules de son moulin. Il crie pourtant à son valet de fermer la vanne de l'eau qui alimente la grande roue à aubes.

Mais dans la précipitation, le valet se trompe de mouvement et au lieu d'arrêter l'arrivée de d'eau, il en augmente le débit avec pour effet d'accroître la vitesse de la roue. Bref, malgré sa force légendaire, Louis Nouël ne peut éviter que sa main et son bras ne soient happés et broyés.

Une fois la vanne fermée, le meunier réussit à dégager son membre meurtri. Ce n'est plus qu'un amalgame informe de chair et d'os sanguinolents. Sans perdre son sang-froid,  le blessé saisit un sac à farine dont il entoure sa blessure. La farine restant dans ce sac de jute permet de colmater le saignement.

Mais compte tenu de la gravité de la blessure reçue, une intervention s'avère nécessaire, Louis en est bien conscient. Un bon coup d'eau-de-vie pour la route et le voilà à parcourir les trois kilomètres et demi qui le sépare du bourg de Guémené, en coupant par le Bois de Juzet.

Sa destination est précisément la maison de Hyacinthe Evain. Celui-ci demeure alors rue de l'Église.

Hyacinthe était le fils d'aubergistes du bourg et, comme on l'a dit, il exerçait la profession de hongreur. Ce faisant, il vouait donc son existence professionnelle à la castration des chevaux. Sans doute cette vocation ne suffisait-elle pas à remplir totalement ses aspirations existentielles et matérielles. Plusieurs sources attestent qu'il s'était en effet lancé dans une diversification stratégique de nature aussi à remplir sa bourse (si je puis me permettre).

Un témoin assure ainsi qu'il ne rechignait pas à prodiguer ses soins aux humains, considérant que ces derniers pouvaient présenter des points de convergence biologiques et physiologiques intéressants avec les animaux. Je n'imagine pas le pire, et la chronique ne dit pas qu'il y eut à l'église de Guémené plus de chantres à voix de fausset qu'ailleurs, dans ces années-là. Non, on venait simplement prendre son conseil et ses soins, à l'instar de Louis Nouël pour son bras.

Jean Régale, alias l'abbé Chenet, célèbre auteur de contes en patois de Guémené, le met en scène dans l'un d'entre eux, "la truie à Nanon", apportant un éclairage sur ses talents.

Pour ceux qui n'auraient pas encore lu ce conte (que j'ai mis en ligne il y a longtemps sur ce blog), l'histoire est la suivante. Nanon dispose d'une belle truie qui soudain devient anorexique et dépérit. Elle ne sait comment la guérir de sa langueur. Sur les conseils d'une vague parente, elle consulte Hyancinthe Evain.

Nous disposons par conséquent d'une témoignage sur le vif concernant l'art de ce Charles Bovary de Loire-Inférieure. 

Ainsi Hyacinthe, en vrai clinicien, regarde l'animal malade, le tourne et lui tape sur le ventre. L'examen minutieux exécuté, il prescrit une purge à l'oseille et un "tas de poison" à mettre dans sa pitance.

Las, ce premier traitement échoue et Nanon revient le consulter un jour où, visiblement, il avait bu un petit coup. Le jugement médical illuminé par la boisson, le praticien lui tient le raisonnement suivant : sa truie ne veut rien prendre alors qu'il y a plein de gens qui ne se refusent rien. Par exemple, les marguilliers (ces responsables des affaires temporelles de la paroisse nommés par le curé) sont des sacrés soiffards toujours prompts à s'envoyer un pot. Il suffit donc que Nanon se rende à la Cure pour faire nommer, par le curé, sa truie marguillière...

Enfin, il faut croire que Hyacinthe Evain en valait bien un autre pour ce qui était de soigner les humains. Car s'il comprit tout de suite qu'il ne pouvait rien faire en tant que "chirurgien" pour aider son ami Louis Nouël, il prit quand même des dispositions conservatoires de nature à le réconforter.

Ainsi, ayant décidé de partir à la recherche d'un homme de l'art à Redon, il fit asseoir le brave Louis à sa table et planta une bouteille d'eau-de-vie et un verre devant lui. L'ordonnance était simple : boire la bouteille tout entière durant son absence.

Sur ce, il attelle son cheval et file vers Redon.

Vingt kilomètres aller, vingt kilomètres retour, ça laisse le temps de prendre ses médicaments.

A leur retour, Hyacinthe Evain et son compagnon trouvent le bonhomme Nouël encore conscient malgré la blessure et la bouteille d'alcool.

L'opération commença : le chirurgien commanda une autre bouteille de gnôle, moitié pour l'estomac du blessé, moitié pour désinfecter la plaie. Tant qu'on y était, on fit du feu dans la cheminée et on y mit à rougir quelques fers. L'homme de l'art tria le bon grain de l'ivraie, les chaires écrabouillées et les os réduits en miette, coupa, cousit, cautérisa, pansa. Au total, Louis y perdit un bras, mais y gagna une bonne cuite.

Apparemment, le patient ne se plaignit pas beaucoup de l'opération. Sans doute le distillat de cidre présente-t-il des vertus anesthésiques qu'on ne rencontre plus guère de nos jours. Toujours est-il qu'il resta tranquille et ne rentra que le lendemain chez lui, au moulin de la Vallée, où l'on dit qu'il continua de se soigner à l'eau-de-vie.

Mais il faut bien mourir. Cela survint bien après cet épisode pour Louis Marie Nouël. Ainsi, le 23 février 1930, il quitta ce monde âgé d'à peine 66 ans et allégé d'un bras. Si l'on en croit le recensement, le moulin, attesté déjà en 1834 et même sous la Révolution, n'était plus exploité dès la fin des années 1920.

Des rumeurs circulèrent selon lesquelles, suite à une querelle avec son fils, Louis Marie se serait pendu...C'est peu probable et le curé de Guénouvry n'en entendit pas parler, qui lui donna l'absoute sans barguigner.

Il n'y a pas de morale à cette histoire qui éclaire la dureté et la mentalité d'une population et d'une époque, et qui me permet d'évoquer un coin de Guémené auquel je suis particulièrement attaché par de nombreux souvenirs d'enfance et de plus tard.

Les bases de ce récit m'ont été fournies par une lectrice attentive qui n'hésite pas à consommer de son temps pour m'aider à brasser les souvenirs du vieux Guémené. Elle le tient d'un texte publié par Eugène Cogrel - ce grand défenseur de la mémoire guémenoise - dans une revue qu'il anime (Vantyé Pihern). Qu'elle en soit vivement remerciée.

Pour finir par des illustrations, des reproductions de cartes postales anciennes en ma possession (que je n'ai donc pas piquées sur Internet) :

- les deux  premières montrent l'étang de la Vallée et le moulin côté sud ;

- les deux suivantes, le moulin côté nord, et la descente vers le Don ;

- la dernière, le point de confluence du Don et du ruisseau qui descend de l'étang (l'auge de pierre en cercle pour broyer les pommes à cidre a disparu depuis bien longtemps hélas).






samedi 13 avril 2013

Le crime de Joseph R. (sombre histoire)


Le vendredi 29 janvier 1932, un événement important secoua les (esprits) guémenois. Ce n'était certes pas l'ouverture du Salon des Arts Ménagers à Paris, ni le froid glacial qui sévissait dans la région (jusqu'à -12° la nuit)

Non. Mais vers 18 heures 30 ce soir-là, Guémené se trouva plongé dans une obscurité complète.

Que cela pouvait-il bien être ? L'électrification complète de la commune, au niveau des infrastructures, était en train de s'achever (de 1924 à 1931, 800 km de lignes à haute tension, 530 km de lignes basse tension ainsi que 175 transformateurs auront été installés en Loire-Inférieure).

Enfin, il resterait à chacun dans les campagnes de prendre l'initiative de son raccordement. Ce n'est qu'en mars 1932 que le "Syndicat" intercommunal en charge des infrastructures justement avertissait les guémenois de ne se fier qu'à des artisans de confiance, ceux qu'ils connaissaient. Bref, les arnaques devaient être légions, et les raccordements peu nombreux encore (cf. vidéo en fin de post).

L'obscurité complète dont il est question devait donc concerner ceux du bourg qui avaient déjà effectué leur raccordement, les rues de Guémené peut-être aussi. Et en plein hiver, à 18 heures 30, comme chacun sait, il fait nuit, la lumière est allumée.

Les Autorités tentèrent tout ce qu'elles purent pour rétablir le courant. Mais rien n'y fit, et elles décidèrent de lancer leur plus fin limier sur la piste de l'incident. C'est donc le "dévoué" Chef de secteur, M. Auguste Fouchet, âgé de 39 ans (un esprit mûr mais alerte), qui entreprit une fastidieuse visite de la ligne. Comme on s'en doute, ce n'est qu'après de longues recherches qu'il localisa l'origine du problème.

Quelle ne fut en effet pas la surprise de notre Sherlock Holmes des électrons excités, de découvrir entre les poteaux 221 et 222 (qui, comme chacun sait, sont situés sur Beslé à la lisière de Pierric, en bordure de la D 46 (à l'époque Chemin de Grande Communication 46)), de trouver, dis-je, un dispositif maléfique, un véritable attentat contre la Fée Electricité. Comme le constate avec bon sens la presse de l'époque, une telle machination ne pouvait relever que d'un acte de malveillance et certes pas du geste écervelé d'un enfant.

Jugez-vous même.

Une lanière longue de rien moins que de cinq mètres, confectionnée de ronces réunies, à laquelle on avait attaché une pierre de 4 à 500 grammes assez lourde pour en faciliter le lancement, embrassait dans une étreinte funeste trois fils de la ligne à haute tension, causant un court-circuit fatal dont les répercussions d'ailleurs allèrent bien au-delà de Guémené, jusqu'à la centrale électrique de Saint-Nazaire !

Des ronces tressées... : il faut un homme déterminé et habile ; une pierre assez lourde... : un esprit féru de physique newtonienne. Le sabotage de la ligne à haute tension, dans ces conditions, devait bien être l'oeuvre de quelque anarchiste chevronné, d'un de ces chemineaux apatrides qui se coulent dans les fourrées de nos campagnes, à la vesprée ou par une nuit sans lune.

Une plainte fut déposée auprès de la gendarmerie par la Société de la Basse-Loire (il doit s'agir d' Energie Electrique de Basse-Loire, EEBL) qui, comme le souligne la presse, "d'ordinaire nous donne satisfaction".

Comme de juste, la gendarmerie fit diligence et le coupable fut démasqué rapidement. Ainsi, on apprend dès le 4 février 1932, soit moins d'une semaine après le forfait, de nouveaux détails qui éclairent - si je puis me permettre - les circonstances de l'attentat grâce à des témoins de première main.

C'est d'abord François Julaud, 52 ans, marié et père de quatre enfants, cultivateur à la ferme de la Fontaine de Trenon, qui a aperçu des lueurs au-dessus de la ligne électrique. Puis c'est Jean Ferré, conseiller municipal de Pierric - et donc un véritable témoin de moralité -, demeurant au village tout proche de la Boulerais, qui passait sur la route à bicyclette et qui vit, juste au-dessus des pâtures du lieu-dit les Bouillons de Trenon, les ronces fatales enroulées sur les câbles.

Bref, que du lourd.

On imagine bien le Père Julaud, 52 ans, en parler à sa femme Eulalie, qui en parla à sa voisine de ferme de la Fontaine Trenon, la Veuve Bourgeon. Une bien brave femme, la Veuve Bourgeon, et courageuse avec ça, qui tient son exploitation avec ses trois enfants et ses deux domestiques, la Germaine Blondel et le petit Joseph, un gars de 15 ans né natif de Langon, de l'autre côté de la Vilaine, et qui vient d'arriver comme valet de ferme depuis quelques mois.

Le petit Joseph, il gardait justement les vaches aux Bouillons, au moment du drame : il doit bien savoir quelque chose.

Mais sitôt questionné, prenant conscience de son infâme forfait contre le Progrès, cette graine de Bonnot avoua sans détour en être l'auteur. Et la Veuve Bourgeon de s'écrier ! Et le Père Julaud de dire qu'il l'avait bien dit ! et Jean Ferré de conter l'histoire partout dans le pays !

Que devint le petit Joseph qui savait tresser des lanières de ronces et faire des frondes pour tuer le temps en gardant ses vaches, et pour qui l'électricité devait bien paraître encore lointaine dans son quotidien ?

On ne sait : peut-être la découvrit-il dans la cellule de la gendarmerie de Guémené...

Enfin, voici quelques illustrations pour finir de se repérer dans cette sombre histoire.








Je remets pour terminer une vidéo déjà publiée sur un de mes premiers posts. Elle s'intitule l'Electricité à Guémené. Il s'agit de l'interprétation, par une guémenoise de souche, d'un rimiau en patois écrit dans les années 20 - 30 par Jean Régale (l'abbé Chenet). Profitez !



Joseph Moureau a disparu


Quelques jours après le 10 mai 1940, la nouvelle parvint à la ferme de Montnoël, comme partout à Guémené et en France, que l'armée allemande venait de passer à l'offensive, là-bas, vers la Belgique. Il est probable que seule une vague inquiétude saisit les époux Moureau, Julien et Jeanne-Marie, à propos leur dernier fils, Joseph, âgé de tout juste 21 ans, qui se trouvait alors mobilisé dans le secteur : tant d'autres y étaient, et puis où exactement, on ne le savait pas vraiment.

Il est probable que leur inquiétude perdura dans les semaines qui suivirent, marquées par la débâcle militaire et morale française, le désordre, la désorganisation et l'ignorance du destin des soldats du front.

L'armistice de juin dut ranimer leur espoir. Comme de nombreux autres, leur fils pouvait se trouver réfugié quelque part dans le pays ou même prisonnier. D'ailleurs des listes paraissaient dans les journaux, on se renseignait à la mairie.

Les travaux agricoles de l'été occupèrent le temps des Moureau dans leurs terres non loin de la chapelle St-Yves, vers Massérac, puis ceux de l'automne. L'hiver bientôt. Pas de nouvelles.

Et puis, par une triste journée de début janvier 1941, à l'heure du déjeuner peut-être, le maire ou un gendarme parurent à la ferme de Montnoël.

Dans ces cas-là, on a déjà compris avant qu'un seul mot soit prononcé. Les visiteurs durent lancer un sombre "bonjour", suivi peut-être d'un "soyez courageux" ou de "j'ai une mauvaise nouvelle à vous dire" : un sentiment mêlé de peine et de soulagement. Joseph Moureau était donc mort durant la campagne de France, là-haut vers la Belgique, le 20 mai 1940.

La conversation dut vite tourner court. On ne savait rien des conditions de son décès. Un verre de cidre ou de vin, un café et les Moureau restèrent avec leur chagrin. Dans les jours qui suivirent, on peut imaginer qu'ils vinrent trouver le curé pour faire dire une messe à la mémoire de leur fils dans la vaste et froide église de Guémené.

Et puis la vie reprit et le printemps finit par revenir.


Joseph Auguste Marie Moureau était né le 5 mai 1919 à Carentoir. Par quel hasard est-il venu au monde, lui, dans cette cité du Morbihan, je l'ignore. Il était le dernier fils de Julien Rousseau né à Avessac en 1878 et de Jeanne-Marie Clavier, née au village de la Potinais à Guémené, en 1879. Mariés en octobre 1903 à Guémené, Julien et Jeanne-Marie étaient cultivateurs à Pussaguel puis Montnoël. Avant Joseph, ils eurent déjà trois fils et une fille, tous nés à Guémené (Edouard, en 1909 ; Clair, en 1910 ; Gabrielle, en 1913 et Auguste, en 1914).


Joseph Moureau partit à la guerre après 20 ans d'une vie dont on ne sait rien. En revanche, on peut suivre la trace de son unité, et par conséquent suivre ses derniers mois d'existence militaire et personnelle.

Il fut affecté au 18ème Régiment d'Artillerie Divisionnaire (18ème R.A.D.), régiment qui fut recréé à Vannes à la mobilisation de 1939.


Il quitte Vannes par train début septembre 1939 et débarque dans la région de Saint-Mihiel à 40 km au sud-ouest de Metz. Son régiment va ensuite occuper des positions dans les intervalles de la ligne Maginot, vers Thionville.


Les mois d’octobre et de novembre 1940 sont calmes (travaux d’aménagement des positions ; l’instruction). Le régiment est ensuite dirigé, à Noël, sur le secteur de Hambourg-Budange situé à l'est de Thionville, face à la Sarre. Ce secteur très calme au début s’agite peu à peu.


Chaque batterie détache une section nomade qui, de jour, fait des tirs de harcèlement. Cette activité attire la réaction allemande, les unités sont prises à partie, subissent des pertes. A plusieurs reprises, les batteries exécutent des tirs d’arrêt qui se révèlent efficaces, en particulier devant les troupes anglaises. 

Le 21 février 1940, le 18ème R.A.D. est relevé et envoyé dans la région de Liart dans les Ardennes, à l'ouest de Charleville-Mézières.

Le 10 mai 1940 débute la campagne de France. Le régiment est dirigé sur la frontière belge.

Le 13 mai au matin, l’ensemble du régiment est en position sur les bords de la Meuse. Dès 9 h 30, ses pièces entrent en action et prennent à partie les colonnes allemandes qui descendent vers le fleuve.

Le 14 mai, les positions sont vivement attaquées par l’aviation. Et puis l'armée allemande a réussi à traverser la Meuse. Certaines unités sont menacées d’encerclement : vers 11 heures, le repli est ordonné. Il se poursuivra les jours suivants sous la pression des blindés et de l’infanterie allemands et sera accompagné du harcèlement de l’aviation.

Le colonel et le 1er groupe sont capturés le 17 mai, le 2ème groupe est pris le même jour au nord d’Hirson, bourgade du nord de l'Aisne, en Thiérache. Le 3ème groupe, dans son repli du 14 mai, est violemment attaqué par l’aviation allemande ; son commandant est grièvement blessé, la 7ème batterie est en partie détruite, tous les officiers de cette unité sont tués ou blessés. Une partie des 8ème et 9ème batteries réussira à échapper à l’étreinte allemande et se repliera sur Saint-Quentin.

Rassemblés près de Meulan, les rescapés du régiment seront dirigés le 24 mai sur Limoges et le camp du Larzac.

Sans Joseph Moureau, mort à Hirson en Thiérache, au onzième jour de l'attaque allemande, et dont on peut dire qu'il s'est battu et est mort pour la France, selon l'expression consacrée.

Je publie ci-après une carte des opérations militaires du printemps 1940. J'ai indiqué en plus gros Hirson (dans la partie rose, en bas), le lieu de décès de Joseph Moureau.



En référence, une adresse où j'ai trouvé le parcours du 18ème R.A.D. :

http://www.ancestramil.fr/uploads/01_doc/terre/artillerie/1939-1945/18_rad_historique_succinct_fevrier_mai_1940.pdf

dimanche 7 avril 2013

Charles Robin, le réfractaire

L'autre jour, je suis parti fouiner dans de vieux registres. Dans un tas de papiers, une chemise orange a attiré mon attention. Elle protégeait un petit cahier daté de la fin du 18ème siècle, à l'évidence un registre de baptêmes, mariages et sépultures à l'ancienne, c'est-à-dire tel que les prêtres les rédigeaient avant 1792.

A l'été 1790, soit un an - très tôt - après le début de la Révolution, la Constituante et le roi Louis XVI, mettent en oeuvre une réforme de l'organisation de l'Eglise catholique en France que l'on a appelé "la Constitution civile du clergé". Celle-ci impliquait une prestation de serment de la part des prêtres et surtout un détachement de l'autorité du Pape.

Rapidement, le Pape Pie VI s'y oppose et l'Eglise de France se déchire entre prêtres "assermentés" et prêtres "insermentés" ou réfractaires. La moitié des curés de base prête néanmoins serment.

La situation entre la Révolution et l'Eglise continue de se tendre pour finalement se régulariser en 1801, à la faveur du Concordat signé entre Bonaparte Premier Consul et le Pape suivant, Pie VII.

Dans l'intervalle, les deux clergés vont cohabiter, comme ce fut le cas à Guémené et dans sa région. 

Parmi les prêtres de base (curés, vicaires) réfractaires à la Révolution, il y avait donc Charles Robin.

Charles Robin était né à Conquereuil le 24 février 1756, dans le village de Bréhain, équidistant des bourgs de Conquereuil et de Guémené, en allant sur Pierric, non loin des étangs de la Renouillère et de Coisma.

Papa Robin était un laboureur qui savait signer son nom. La maman du futur rebelle s'appelait Françoise Urvoy.

On retrouve, avant 1790, Charles notre nouveau héros, curé au Pellerin, bourgade qui longe la rive gauche de la Loire en face Couëron, à quelque distance à l'ouest de Nantes. Remplacé dans ce poste au moment de la Constitution civile du clergé, il entre probablement alors dans la clandestinité.

Il en sort vers 1801, date à laquelle il apparaît dans une enquête préfectorale sur "l'Etat des ministres du culte dans le département de Loire-Inférieure". Dans cette enquête assez amusante, chaque prêtre de chaque commune du département est gratifié d'un petit commentaire fourni par les maires.

Notre ami Robin, désormais curé du Gâvre, y est décrit comme : "ex-curé du Pellerin, y exerce [au Gâvre]. Trop de zèle et de chaleur, à ne point employer." Le préfet (Letourneur, qui vota la mort de Louis XVI) et le maire du Gâvre de l'époque n'avaient donc pas trop confiance dans la loyauté "républicaine" du curé exalté du Gâvre.

Une petite digression pour l'anecdote : dans cette revue de détail alphabétique du préfet,  le curé qui apparaît juste après notre ami, est de celui de Fay et cela ne s'invente pas, il s'appelle Guillotin. Il est présenté comme "retraité, immoral, avide d'argent". Juste après, pour Guémené, on trouve une note sur Maillard, ex-curé de cette commune, favorable à la Révolution et toujours en fonction en ce lieu : "vicaire, ex-curé constitutionnel, ex-maire, percepteur (!?). Ne jouit pas de l'estime publique dans sa commune".

Mais revenons à nos moutons. Charles Robin mourut au Gâvre dans l'exercice de sa charge, le 11 janvier 1812 à l'âge de 56 ans.

Et Guémené alors ?

Au vu du petit cahier mentionné au début de cet article, retrouvé parmi de vieux papiers, Charles Robin fut vicaire clandestin de Guémené entre (au moins) avril 1795 et décembre 1799.

Dans ce document, dont je fournis ci-après quelques photos hélas de mauvaise qualité, le vicaire en rupture de ban assume crânement ses engagements. Chaque enregistrement de baptême, de décès ou de mariage rappelle la fidélité de l'officiant à l'Eglise de Rome. Par exemple : "le troisième jour du mois de juillet 1798, a été par nous soussigné prêtre catholique apostolique et romain baptisé etc...". Et la signature où le lieu est, contre tout usage, stipulé : "C. Robin vicaire de Guémené Penfao".

Dans tout récit où le destin laisse sa marque, l'histoire doit se terminer à l'endroit ou au type d'endroit où elle a commencé (Napoléon est né et est mort dans une île, par exemple). Pour Charles Robin, dont l'épopée est partie de Conquereuil, le récit s'achève donc à Conquereuil, selon une optique hagiographique qui convient au personnage.

Faute sans doute d'avoir pu conserver un morceau, un os ou quelque chose du bonhomme dans une châsse, on garde (ou on a gardé jusqu'à une époque récente) à Conquereuil, "un calice et une bourse pour le saint viatique" dont se serait servi le saint homme. A vérifier, donc.

Voilà pour ce héros. Je signale à tout hasard qu'un récit - orienté - de la vie et des péripéties d'un prêtre du coin du même genre, Grégoire Orain, pourchassé par le commandant des Bleus de Guémené, Mathurin Pinsmil, est lisible sur le site de la BNF (Gallica : "Vie de M. Orain, confesseur de la foi pendant la Révolution et mort curé de Derval, par M. l'abbé Cahour, Nantes 1860").

Ci-dessous les photos promises :




samedi 6 avril 2013

Le Chant du Dupard


J'aime l'histoire locale des petites communautés parce qu'on peut deviner les effets d'un événement sur les esprits. Ce faisant, pour peu que l'événement se situe dans des lieux que l'on connaît, il dégage pour soi-même une certaine "palpabilité". En clair, c'est un peu comme si on y était.

Le thème d'aujourd'hui est une visite du Préfet de Loire-Inférieure à Guémené, le 2 octobre 1941.

Dans le monde, la guerre fait rage bien entendu et l'Histoire suit son cours : les troupes allemandes sont entrées en Russie et arrivées aux portes de Leningrad ; ces mêmes troupes ont envahi et vaincu la Yougoslavie et ont débarqué en Libye.  En Syrie et au Liban, toutefois, les troupes françaises libres et britanniques ont réussi à circonvenir l'armée de Vichy.

En France, l'Occupation s'installe un peu plus. La Résistance commence aussi à s'organiser, tandis que les rafles de juifs se développent.

En Loire-Inférieure, le préfet se nomme Philippe Dupard : contrairement à la plupart de ses collègues préfets de l'Occupation, il occupait déjà ce genre de poste avant guerre.

A Guémené, on vient tout juste de changer le Maire. Le nouveau nommé s'appelle Chollet, c'est un ingénieur en chef retraité du service vicinal. Un petit vieux fonctionnaire de la campagne, en somme, qui s'occupait de l'entretien des routes du département. Bref, tout à fait l'homme pour dégager la voie, à Guémené, de la Révolution Nationale chère au Maréchal.

La visite préfectorale mobilise les autorités locales. A son arrivée à la mairie de Guémené, Philippe Dupard est en effet accueilli par une délégation menée par Emerand Bardoul (non, il ne vient pas de Groland, il est né à Nantes), maire de Marsac-sur-Don, conseiller général et député de Loire-Inférieure.

Celui-ci est entouré du "jeune" maire de Guémené, de son premier adjoint (Métayer), des maires de Pierric (Geffray) et Massérac (Taillandier), plus les deux adjoints "spéciaux" de Guémené pour Beslé et Guénouvry. Enfin, le sous-préfet de Chateaubriant, qui devait s'ennuyer, est aussi venu faire un tour.

L'accueil du représentant du Chef de l'Etat Français commence par une noble harangue d'Emerand  censée présenter au préfet la population du cru. Je vous la passe telle quelle, tant elle fleure bon son maréchalisme de bon aloi et la rhétorique politique surannée : 

"Enfants de cette race bretonne méditative et fière, nous avons su conserver, avec la persistance de notre foi, le respect des vieilles coutumes et un attachement profond à notre sol.

Quand on a l'âme paysanne, quand on aime sa terre qui est aussi celle de ses morts, on peut se sentir l'esprit plus apaisé, puisant dans ce double amour, et en dépit des difficultés de l'heure, les plus sérieuses raisons d'espérer..."

Pour les lecteurs qui n'auraient pas encore tout compris du message, le journaliste (un certain R. Fève), qui fait le compte-rendu de la visite préfectorale pour Ouest-Éclair, commente et précise :

"Il est vrai, en effet, que l'on a raison d'espérer dans le redressement de notre pays quand on voit l'admirable effort de nos ruraux, leur ardeur au travail, quand on sait comment ils conservent leurs traditions et la notion des valeurs morales"

Paternalisme ("nos" ruraux), terre, travail, tradition et, probablement, religion, quoi.

Ensuite, la séance d'échange de blabla continue. D'un côté, Emerand explique les problèmes du canton, de l'autre, le préfet en appelle à la solidarité et au devoir des français (ruraux).

Le discours du député Bardoul comprend deux volets. Le premier attire l'attention sur la médiocre conjoncture économique locale dans l'idée de diminuer les réquisitions allemandes. L'activité commerciale est entravée au niveau des échanges interdépartementaux ; les récoltes de céréales ont été désastreuses et les exploitations agricoles sont petites et familiales.

Puis, sans qu'on voit forcément le rapport, il se lance dans une réflexion politique : le nouvel ordre politique et étatique qui se met en place doit veiller à relever l'état matériel et moral du monde rural. Il peut d'ailleurs, enchaîne-t-il, compter sur les assistantes sociales rurales et les conseillères municipales (?!). Très maréchaliste, le député termine en appelant à une organisation départementale qui fasse l'union de la profession agricole.

Ça tombe bien, car le préfet est lui aussi dans le délire de l'union. Pour lui, il faut que la campagne (qui produit des denrées) gagne en esprit collectif et en solidarité vis-à-vis des villes (qui n'ont rien à manger) en respectant les lois nouvelles (sous-entendu : les lois de réquisition alimentaires qui dépouillent les campagnes au profit des allemands et non des villes). Et comme il n'avait pas fini ses courses, le préfet en profite pour exhorter tout le monde à souscrire à l'emprunt du moment qui, dénigré, peine visiblement à trouver preneur, tel un vulgaire emprunt grec d'aujourd'hui. C'est un devoir, dit-il.

Ensuite, on entre dans le vif des vrais sujets : le maire de Guémené répète qu'il n'y a ni céréales, pour la faim, ni pommes, pour la soif. Il demande respectueusement si l'on ne pourrait pas autoriser les paysans à moudre leur blé noir, chose qui semble donc interdite. Visiblement le préfet botte en touche.

Puis à son tour, le représentant du Maréchal fixe, pour le canton de Guémené,  le quota et le prix des produits réquisitionnées, bois (2 stères pour 10 ha ; 100 francs - 30 euros - l'unité) et céréales. Le maire de Guémené explique comment s'organisera le ramassage...

Après tout ce travail, voici venu le temps de la récréation. Au programme de ces messieurs : visite à l'Hospice, serrage de pognes d'enfants et gerbe au monument aux morts.

L'Hospice de la route de Beslé, dont la construction a commencé en 1937, a ouvert en 1939. Il était temps ! Il est tout neuf, en somme, et chacun de s'extasier. Comme le dit le journaliste, "voilà une réalisation de très grand style !". Et pour ajouter au bonheur, la "journée" n'y coûte que 11 francs 50 (4 euros). Pour ce prix-là, on en prendrait bien plusieurs, en effet...

Sur l'aspect du prix, le commentaire du journaliste confine d'ailleurs à l'humour noir (sans doute involontaire) : "N'est-ce pas stupéfiant par les temps actuels ?". Sans doute en effet la demande de places à l'hospice, "par les temps actuels" pourrait bien avoir tendance à s'accroître... 



L'article s'agrémente par ailleurs de deux autres photos légendées où l'on voit le préfet au seuil d'une maison, penché vers des enfants (probablement encore vivants) et une autre où on le saisit en train de poser une gerbe au monument aux morts (qui sont, eux, bien morts hélas).




On notera que pour ménager la susceptibilité de ses collègues, le préfet n'a pas jugé utile de prendre un bain de foule. A moins que les guémenois du bourg dans leur ensemble n'en aient pas forcément manifesté le désir, ce qui serait plutôt à leur honneur.

Un mot enfin sur le destin d'Emerand Badoul.  



Bien qu'il eût voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, il garda à la Libération sa place de maire de Marsac (qu'il avait héritée de son père...) puis fut réélu jusqu’en 1971. Avant-guerre, il appartenait à un petit parti de notables qui vira gentiment vers la droite et même un peu plus, parfois. Ce juriste de formation et maire insubmersible mourut à Marsac en 1980.

Beau parcours, belle moustache.