Rechercher dans ce blog

mercredi 31 juillet 2013

Vieux Guémené


Je me demande souvent à quoi pouvait bien ressembler le Guémené de nos aïeux ?

Les vieilles cartes postales renvoient l'image d'un bourg (quelques fois on y voit la campagne) du tournant du XIXème et du XXème siècle : celui de l'enfance de ma grand-mère Gustine, par exemple.

Le coeur du bourg de Guémené fut, comme partout ailleurs, son église et les bâtiments et ruelles qui s'agglutinèrent autour. Mais il ne reste rien de l'ancienne église, pas même le nom de la place où elle se dressait, devenue "place Simon" par l'insistance dynastique d'une même famille qui dirigea la commune pendant un siècle au moins.

Pourtant, il suffit que je vienne sur ce désormais parking du centre bourg garer ma voiture le nez vers le Vieux-Logis, cette ancienne maison de justice, d'en admirer la tour et les fenêtres, puis de glisser derrière, par la ruelle qui mène au lavoir (l'ancienne route par laquelle on entrait dans Guémené, venant du sud), pour qu'un frémissement me saisisse : je n'entends plus vraiment le moteur des véhicules modernes, mais l'écho lointain et assourdi du Vieux Guémené se pressant autour de son clocher antique.

Et c'est le Pontret, le Grand-Moulin et les bords du Don où l'on lavait le linge à moins d'y venir pêcher.

A quoi pouvait bien ressembler cette église ancienne de Guémené où tant d'hommes, de femmes et d'enfants furent enterrés, nourrissant à jamais de leurs sucs le sol supportant nos lourds véhicules modernes, qu'un édifice monumental de substitution fait ailleurs oublier et dont la trace toponymique est effacée par la célébration de dynastes municipaux ?

La sollicitude d'amis de Guémené (dans le double sens d'amis personnels vivant à Guémené et de personnes qui veulent du bien à Guémené), me permet aujourd'hui de satisfaire cette curiosité.

Voici deux images qui représentent à un siècle de distance probablement et de façon incroyablement concordante du point de vue de l'endroit d'où elles furent réalisée, une même partie du bourg.



La première image est une gravure (reprise ultérieurement en carte postale : d'où le texte la légendant). La seconde est un cliché pris à la fin du XIXème siècle. Dans les deux cas, les deux artistes se sont postés à peu près au même endroit, sur la rive sud du Don, après le Grand-Moulin, face au vieux bourg.

Avant de poursuivre la description, la datation.

La gravure figure un Guémené d'avant la Révolution de 1789 dans la mesure où c'est au cours de cette période historique qui agita pas mal la paroisse (ou plutôt la commune) que le clocher pointu de l'église fut détruit pour être ensuite reconstruit selon ce qu'on voit sur la photo (tour de base carrée, à toit aplati).

La cause de la destruction du clocher est disputée : on l'associe parfois à un épisode de la lutte des Blancs (qui tenaient plus ou moins la campagne) et des Bleus (qui tenaient le bourg), les premiers ayant mis le feu au clocher de l'église dans laquelle s'étaient réfugiés les seconds...D'autres attestent que l'incendie résulta en réalité de la foudre...

Quant à la photo, elle doit être une des toutes premières prises à Guémené : la nouvelle église, celle que nous connaissons aujourd'hui date en effet de 1886. Il faut donc penser que ce cliché a été pris peu avant la destruction du bâtiment ancien et l'édification du nouveau.

La gravure du XVIIIème siècle offre au regard un Guémené bucolique : des arbres d'essences diverses bordent la rive nord du Don ; des personnages pêchent au bord de la rivière comme s'il s'agissait d'une détente au cours de vacances d'été (il ont un chapeau à large bord, comme un chapeau de paille pour se protéger du soleil).

La photo révèle, pour sa part, un univers plus minéral : les arbres ou les feuillages ont disparu et les palis du bord de l'eau imposent à l’œil leur face argentée.

Mais au-delà de ces différences, on est surtout sensible à la rémanence, à un siècle de distance, de l'habitat et de la construction. En regardant attentivement, on note en effet, qu'à peu de choses près se retrouvent les mêmes édifices, assez peu nombreux : l'église et le Vieux-Logis, un petit bâtiment au bout de la descente du Pontret ; deux grands bâtiments à droite du Vieux-Logis.

Ensuite, la vieille photo permet de découvrir des indices qui permettent à préciser la "personnalité" extérieure de l'ancienne église. C'est bien entendu ce clocher (assez laid) déjà évoqué, mais aussi, ainsi que le révèlent les détails ci-dessous, la forme des fenêtres, apparemment à petits carreaux, et l'allure extérieure avec les contreforts qui en strient verticalement les grands murs latéraux et font sailli au dessus du bord du toit.




La gravure fournit une intéressante vue du moulin et de sa roue à aube.


Mais surtout, elle met en scène des personnages : à l'angle du moulin sur le Don, une femme est penchée. Est-ce une lavandière qui bat ses draps ? Sur la rive sud du Don, au premier plan : deux pêcheurs et un chien.




L'un des pêcheurs pêche à la ligne tandis que l'autre utilise un "carrelet" encore appelé "balance" ou "échiquier".

Dans ce dernier cas, il s'agit d'un filet carré dont les mailles s'étrécissent en principe au milieu, suspendu à ses angles à deux cannes arquées, nouées en leur croisement à une perche qui prend appui sur le sol. Une corde permet de relever plus facilement le dispositif, lesté parfois d'eau et de poissons.

Ces "carrelets" étaient utilisés pour la pêche en eau douce dans le cas d'eaux poissonneuses (pour attraper des ablettes, par exemple).

En recherchant sur Internet, on trouve des images très semblables à la figure du pêcheur à filet des bords du Don, étayant de ce fait le sentiment d'une immuabilité des choses d'un certain passé :



Les Simon, maires de Guémené au XIXème siècle, ont eu fort à faire pour soutenir la vieille église et l'empêcher de s'écrouler : les délibérations municipales votant des travaux - en particulier pour le tout jeune clocher - sont nombreuses et portent sur des réfections étendues et coûteuses.

Ils ont finalement peut-être bien mérité de la Place.

jeudi 25 juillet 2013

Rêve de Juzet

L'autre jour, nous effectuions une fois de plus le trajet qui consiste à se plonger dans la vallée du Don, du village de Mézillac à celui de Juzet.

Je n'apprendrai rien à personne à décrire ce parcours dont chaque particularité forme comme les stations d'un pèlerinage religieux : Mézillac où plane le souvenir du Père Jean ; la route qui serpente vers l'étang ; les ruines du moulins de la Vallée ; le coude de la passerelle, au confluent du Don et du ruisseau de Mézillac ; la vieille ferme dans la prairie ; le Thenou ; la maison en ruine au bord du Don ; le pont et le Moulin de Juzet ; le château ; les communs...

Et puis on refait surface, comme on remonte du sommeil, encore égaré par le spectacle de ce magnifique endroit que baignait le soleil.

D'ailleurs, en arrivant au bout de la route, une scène onirique nous attendait encore. Un cheval avec un bandeau de tissu lui enserrant la tête et lui ôtant la vue, semblait chercher refuge dans la chapelle Saint-Marc.

Un sort, peut-être, avait-il été jeté à cet animal sans cavalier. Une nuée l'environnait et le pourchassait : les mouches le piquaient comme un nuage de remords. La tête baissée comme par humilité, dans une plainte muette, la pauvre bête demandait asile et protection. Mais sa supplique restait lettre morte. 

Ou bien avait-elle un message à transmettre aux maîtres de séant, dont les armes surplombent la porte : celui de quelque catastrophe survenue dans une bataille où son maître aurait été désarçonné. Peut-être d'ailleurs, son cavalier était-il le maître de ces lieux.

C'est cela : parti à la guerre, le maître de Juzet fut tué. Son cheval, dont dépendaient sa vie et sa victoire dans le combat selon sa promptitude à répondre à ses injonctions de mouvement, en conçut une peine étrange et la culpabilité de cette perte.

Aveuglé par la douleur, il s'en retourna néanmoins vers Juzet et tenta de pénétrer dans la chapelle seigneuriale pour confesser et y expier sa faute.

Mais l'entrée lui en fut refusée obstinément, comme le pardon. La chapelle dressée devant lui, cabrée dans son refus de l'accueillir, marquait le chagrin silencieux de Juzet à la perte de son Seigneur.

Était-ce un rêve ou un pressentiment de Jeanne de Lescrain tandis que son époux, Guillaume Godart de Juzet, guerroyait à la bataille de Chanteauceau, en juillet 1420, pour délivrer le duc de Bretagne Jean V traîtreusement emprisonné dans la forteresse de cette place forte ? Peut-être, après tout.

Mais Guillaume, comme Jean V, revint et tout finit pour le mieux.

Voici quelques images de ce rêve.

Au-dessus de la porte de la chapelle, un bas-relief est devenu illisible, le temps, le vent et la pluie ayant eu raison de la sculpture. On distingue cependant encore deux blasons au-dessus de la fenêtre : celui de gauche paraît représenter un oiseau et comporte trois bandes horizontales ; celui de gauche présente simplement un croissant. Difficile de savoir les familles auxquelles il renvoie.














mardi 23 juillet 2013

Julien Legendre : un conscrit de 1907


A partir de 1905, le service militaire républicain - qui dure deux ans - est enfin personnel et universel : pas d'exemption, pas de remplacement possible, pas de tirage au sort.

Deux ans, c'est bien long, mais toujours moins que les cinq ans qui prévalaient encore une génération auparavant.

Mon grand-père Julien Legendre, je ne l'ai pas connu. Longtemps, tout ce que j'en ai su s'est résumé au portrait en soldat, avec un énigmatique "8" au col, qui surplombait le lit de coin de ma grand-mère et dont le cadre noir se détachait particulièrement sur le frustre mur chaulé de l'unique pièce de sa maison.

Mon grand-père était un objet au sourire de Joconde qu'on époussetait les jours de grand ménage.



On n'en parlait jamais, comme si quelque honte s'attachait à son souvenir. Sa vie, pour moi, était aussi insaisissable que les traits estompés sur la photo.

Sa mort aussi, au début de la dernière guerre : le goût prononcé - c'est un euphémisme - de ma grand-mère pour les "choses du cimetière" ne s’accommodait pas, dans mon esprit, de l'étrange silence qui planait autour de l'incroyable : pourquoi mon grand-père n'était-il pas enterré à Guémené ? Et pourquoi n'allait-on jamais sur sa tombe ?

Quelques confidences exhalées par mégarde m'ont finalement aiguillé vers la solution de ce mystère...

Mais surtout, grâce à Internet et aux archives en ligne, j'ai pu donné quelque consistance au destin de ce personnage éternellement jeune : j'ai retrouvé le cimetière de Nantes où il fut enterré en 1941, puis un article de Ouest-Éclair relatant un épisode où il se bagarre avec un voisin. J'ai enfin mis les yeux sur son dossier militaire qui me permet de mieux cerner le jeune fils de paysans de Guémené qu'il était, âgé de vingt ans en 1907 ou 1908.

Né en 1887, il est recensé en décembre 1907. Il passe devant le Conseil de Révision entre février et juin 1908, à Nantes.

Physiquement, c'est un personnage assez peu original : petit comme bien des jeunes de son époque (1 mètre 60), il a les yeux gris. Ses cheveux et ses sourcils sont châtains, tous les autres éléments caractérisant le visage se situant entre le moyen et l'ordinaire.

Son dossier ne comprend pas l'évaluation de son degré d'instruction générale. Mais sans doute était-il de niveau 3, car il savait lire (niveau 1), écrire (niveau 2), mais n'avait pas le brevet (niveau 4) et encore moins un diplôme supérieur (niveau 5).

De façon assez surprenante, le Conseil de Révision l'exempte de service militaire pour une surdité dont jamais personne n'a entendu parler (le mot est d'ailleurs entre guillemets, comme si le médecin-major n'y croyait pas trop...). Quelle chance ! Deux ans de gagnés et la perspective d'un prompt retour aux travaux des champs.

Et puis le temps passe et la vie continue (il devient cocher à Nantes, on le retrouve en service à Noirmoutier). La guerre arrive en août 14. 

Ses premiers morts aussi : ils sont déjà quarante, pour Guémené (sans même Beslé ni Guénouvry), soit plus de 20% de la totalité des victimes locales du conflit en quatre mois de guerre, quand le Conseil de Révision de Nantes se manifeste à son bon souvenir et le convoque pour une nouvelle visite, le 14 décembre 1914.



Le "patriotisme" et le besoin de remplir le fourneau de la guerre en combustible humain rendent étrangement l'audition à ce grand-père. Il est donc déclaré bon pour le service armé et appelé le 19 février 1915 au glorieux 8ème Bataillon de Chasseurs à Pied, digne élément du 65ème Régiment d'Infanterie, unité d'accueil de biens des Bretons et de Vendéens.

Il y arrive le 26 février. Mais il semble partir réellement aux armées le 8 juillet.

Son Bataillon est engagé dans l'Argonne depuis janvier. Cette terrible bataille durera jusqu'en juillet avec en point d'orgue pour ces Chasseurs à pied, le combat pour le "saillant de Bagatelle" où, pour parler comme Homère, "plus d'un héros perdit la vie".

Le 8ème Chasseur se replie ensuite fin juillet sur Mourmelon pour se reconstituer (les effectifs, le moral,...) et d'où il repart, "des chants de joie s'échappant des poitrines", pour la grande offensive de Champagne de l'automne 1915. Cette bien belle boucherie s'achève mi-octobre, et retour à Mourmelon. La guerre et la vie de tranchées se poursuivent en Champagne, alternant front et arrière.

Il a eu bien raison, Papy, il valait finalement mieux s'épargner tout ça.  Car, pour une raison inconnue (l'air de l'Argonne ne lui réussit peut-être pas), il est évacué le 7 septembre et arrive au dépôt le 22 octobre. Ce n'est que le 17 décembre 1915 qu'il remonte au front. Encore quatre mois de gagnés. Pas de Champagne pour Papy Legendre. 

Mais Noël arrive. Un prêtre vient dans un abri près du poste de commandement célébrer la messe sur un autel improvisé éclairé de deux bougies et décoré de bleu blanc rouge. Il y a là une soixantaine de chasseurs avec leurs bottes de tranchée et leur pelisse de peau de mouton : "ils évoquent l'image des bergers de Béthléem"...Je me plais à imaginer mon grand-père dans ce conte de Noël, ponctué du chant des shrapnels et autre marmitage...

Dernière nuit de tranchée à la Saint-Sylvestre. Les Chasseurs se replient sur Châlon-sur-Marne. Déjà Verdun s'est embrasé. Le 12 mars 1916, ces Braves montent relever leurs camarades. Pendant trois semaines, ils vont, dans un terrain rendu informe par les bombardements et les pluies, consolider les tranchées, la nuit, et subir les canonnades en fond de tranchée, le jour.

Nouvel et bref repos vers Bar-le-Duc après un acheminement en camion. Le 7 avril les Chasseurs partent de Brillon. Le 8, ils sont devant Chattoncourt sur la rive gauche de la Meuse. Le fleuve charriait des cadavres d'animaux et d'humains mais les soldats y buvaient...

Le 9 et 10 avril 1916, le 8ème Chasseur refoule les attaques allemandes visant à prendre la hauteur du Mort-Homme. A la fin, le combat se termine en corps à corps atroce, à la baïonnette.

Le 11 avril, pourvu de nouveaux cadres, le Bataillon repart à l'attaque. C'est ce jour-là que Julien Papy Legendre disparaît, au village de Cumières précisément, à 15 km environ au Nord-Est de Verdun, un des huit villages rayés de la carte par les combats de 14 - 18.

On ne sait rien du trajet qui mena ce grand-père au fin fond de l'Allemagne, dans le camp de prisonniers de Chemnitz, en Saxe, aux confins de l'actuelle Tchéquie, à plus de 1500 km de Guémené. Il y apprit à compter : eins, zwei, drei...et l'enseigna plus tard à ses enfants qui l'ont oublié bien vite.

Il en revint le 3 janvier 1919, sans doute comme il put, à l'instar des 520 000 captifs français dont le rapatriement fut assez chaotique. Le 24 février, il passa au 65ème Régiment d'infanterie à Nantes (les prisonniers, à leur retour, étaient interrogés sur leur captivité en Allemagne). Le 25 septembre 1919, il fut démobilisé. Moins d'un an après, il se mariait.

L'Armée décide de le maintenir "en service armé" car ses séquelles de la guerre son estimées à moins de 10% d'invalidité. La famille étant tombée en grande pauvreté dans les années 30, le dossier militaire garde cependant la trace de nombreuses demandes, toutes rejetées, de reconnaissance d'une invalidité aux motifs "allégués" de troubles intestinaux, gastro-entérite ou dyspepsie... Pas de pension donc, d'autant que le délai de demande est passé...

Il paraît qu'il chantait des chansons ramenées de sa vie militaire. Que les gens le trouvait bizarre...

Comme d'autres, il a fini par tuer son chagrin de la guerre dans la boisson. Il n'a pas eu le temps du coup d'apprendre à être grand-père.

Je signale et recommande, au passage, la lecture des historiques des unités combattantes de la "Grande" Guerre. C'est instructif sur les mouvements des unités. Mais surtout ce sont toujours des morceaux de prose patriotiques et "anti-boches" délectables.

Écrits au tout début des années 20, dans l'émotion, ils n'ont pas d'auteur. On les trouve soit sur Internet (recherche dans Google : historique du etc...) au format pdf, soit, comme pour le 8ème Chasseur, sur le site de la BNF (Gallica). Bonnes lectures.

dimanche 14 juillet 2013

Le monument aux morts de Beslé-sur-Vilaine (2)


Je déclarais dans le "post" antérieur concernant le monument aux morts de Beslé que j'en ignorais l'auteur, n'ayant pas vu sa signature sur son oeuvre.

Cet oubli ou cette défaillance de ma part, vont être réparés grâce à la diligence, à la sollicitude et à la gentillesse d'une lectrice de ce blog (ou plutôt une correspondante ou une contributrice, tant je lui dois) qui m'a dirigé vers un site passionnant dédié précisément aux monuments aux morts :

http://www.monumentsauxmorts.fr

Je vous le recommande : il concerne la France dans son ensemble, comporte des fiches détaillées par commune. On peut y rechercher un artiste particulier. Il dispose en outre d'une bibliographie, et de nombreux liens y sont proposés.

Pour revenir à Beslé, le sculpteur du Poilu porte-étendard s'appelle Henri Rivière.

Celui-ci vécut de 1885 à 1961. C'était un nantais, né et vivant dans cette cité. Il y reprit un atelier de sculpture ornementale précédemment tenu par Joseph Vallet, un artiste qui s'illustra dans les églises de la région et dont un bas-relief, l'Absolution, est présent dans l'église de Guémené, sous la Piéta située près des listes de victimes du premier conflit mondial.

L'atelier de Joseph Vallet produisait des oeuvres en calcaire, matériau dont est tiré également la sculpture présente dans le cimetière de Beslé.

La statue du Poilu de Beslé date de 1922. Le monument fut inauguré le 13 septembre 1923, un jeudi.

Le conseil Municipal de Guémené avait adopté le principe de ce monument lors de la séance du 21 août 1921. Cette délibération concernait aussi Guénouvry où Henri Rivière délivra également une composition (un casque dans une gerbe).


Guénouvry













Le coût des monuments de ces deux fractions filles de la commune Guémené fut de 20.000 francs (environ autant d'euros d'aujourd'hui).

Le financement de ce genre d'édifice était subventionné par l'Etat. La subvention correspondait à un pourcentage du prix total, déterminé par le proportion de tués de la commune sur la population de 1914...

Henri Rivière a laissé d'autres traces de son travail dans la région. Ainsi au cimetière de Plessé (oeuvre très différente) ou à Saint-Gildas-des-Bois (un air de ressemblance). On trouve encore d'autres de ses oeuvres en Loire-Atlantique (Frossay, Touvois) ou dans le Morbihan (Saint-Jean-Brévelay).

 Plessé
Saint-Gildas

dimanche 7 juillet 2013

Les trois Cloches de Beslé


J'adore les bénédictions de cloches. On trouve la trace d'une telle cérémonie à Guémené à la fin du XVIIème siècle, et je connais le récit d'une autre qui s'est tenue avant-guerre dans le fief municipal de l'ancien député et conseiller général du coin, ma tête de turc Emmerand Bardoul (alias "je suis Bardoul"), maire pendant 43 ans de Marsac-sur-Don.

Mais ces deux sujets que je traîne dans ma tête depuis un bout de temps, appellent un peu de travail et donc de temps, que je n'arrive pas à trouver en ce moment. Aussi, je ne boude pas mon plaisir de vous parler plus succinctement de la bénédiction qui se tint le dimanche 1er mai 1938, à Beslé, et qui concernait trois nouvelles cloches.

Ce fut apparemment une grande fête qui se déroula en début d'après-midi, sous le haut patronage de l'évêque de Nantes, Monseigneur Villepelet. On n'en sait guère sur l'aspect religieux de la chose. On ne peut qu'imaginer la foule des paroissiens réunis autour de leur curé, les prières, les chants...l'encens, peut-être...

Une fois bénies les trois cloches, l'évêque en profita pour accrocher à la poitrine de deux gloires avérées de la paroisse, deux piliers antiques de l'animation religieuse locale, une belle breloque.

Les heureux récipiendaires, "deux vieux serviteurs de la paroisse", furent Alexandre Houllier, chantre depuis plus de 60 ans, et Ernest Perceveau, organiste depuis plus de 50 ans.

Mais commençons par fixer le cadre.

L'église de Beslé a été reconstruite en 1843 : elle est dédiée à Saint-Pierre et Saint-Paul, qui sont d'ailleurs représentés sur les deux vitraux situés dans le choeur, de part et d'autre de l'autel principal (il faudra d'ailleurs que je développe cette question des vitraux ultérieurement).

L'église dispose d'un clocher-porche (dans lequel résident nos cloches ondoyées il y a désormais 75 ans) dont la flèche à été surélevée à la fin du XIXème siècle.

L' évêque de Nantes, Mgr Villepelet est un jeunot : né en 1892 dans le Cher, il a donc 46 ans au moment des faits. Il a été porté au siège épiscopal depuis peu, c'est-à-dire depuis août 1936. Il va rester 30 ans à son poste avant de se retirer, après le Concile Vatican II, dans son village natal (il meurt fort âgé, en 1982).



Evidemment, être évêque à Nantes pendant la guerre, c'est bien délicat...Ni un salaud, ni un héros, comme on dit.

S'agissant de Vichy et de Pétain, il souligne bien à plusieurs reprises « les efforts généreux faits par le chef de l’Etat pour rebâtir la France »... Il s’opposera toutefois (comme tous ses collègues évêques) au concept de « jeunesse unique », idée du régime de Vichy combattue par l'Eglise de fédérer, sous sa houlette, tous les mouvements de jeunesse (l'Eglise craignait d'être dépossédée de son influence sur les jeunes).

L'évêque se refusera à collaborer avec l’occupant et aurait eu, selon une notice bibliographique trouvée sur le Net, une attitude "courageuse" durant les épreuves qui touchèrent la région de Nantes (otages fusillés, bombardements). 

Pour rester sur les conflits,  il garda le silence durant la guerre d’Algérie, se bornant à reprendre les déclarations de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques, sans plus de commentaires.

Bref, les grandes compassions sont muettes...

Nos amis Alexandre et Ernest firent la paire à l'église de Beslé pendant des lustres. C'étaient des citoyens vraiment ancrés dans cette bourgade.

Le chantre, né le 11 octobre 1860 au bourg de Beslé, était le fils de René Houllier, un laboureur.

Veuf, il vécut avec sa fille Marie, née en 1891 de son mariage avec Anne Marchand, cultivatrice. En dehors du chant des offices religieux, il s'employait comme menuisier. Il décéda le 10 décembre 1950 âgé de plus de 90 ans.

Son compère l'organiste était son cadet de quelques années. Né le 12 octobre 1867 au bourg de Beslé, Ernest Perceveau était le fils d'un menuisier et d'une cultivatrice. Il se maria en 1899 avec une dame Marguerite Chauvin. De son métier, Ernest était négociant (épicerie et tissus).

On se demande bien quelle médaille l'évêque put bien remettre aux deux vieux amis Ernest et Alexandre.

Il existait bien à l'époque une "Médaille d'honneur des Sociétés musicales et chorales", créée en 1924 et abolie depuis, dont l'objet était la récompense des musiciens et chanteurs ayant trente ans de société musicale. Mais nos amis n'ont point à proprement parler appartenu à ce genre de sociétés, me semble-t-il.

Il paraît plus probable, par conséquent, que la médaille ait été celle créée en septembre 1937 par notre évêque Villepelet : la Médaille du Diocèse, encore appelée Médaille de Saint-Clair, un hochet qui fait délicatement référence à la bretonnitude du Diocèce.



Peut-être quelque descendant de nos héros pourra-t-il nous éclairer ?

Je termine en vous saluant et par un aveu : mon esprit parfois facétieux m'a longtemps amené à caresser l'idée que les trois "cloches" de cette histoire n'étaient pas celles qu'on croyait, et j'ai failli broder tout mon "post" du jour sur ce thème là. Vous avez bien entendu toute latitude de vous faire une opinion personnelle sur l'opportunité de cette interprétation des choses...

samedi 6 juillet 2013

Le monument aux morts de Beslé-sur-Vilaine


Comme chacun sait assurément, Guémené possédant le privilège d'être une commune composée de trois bourgs, on y trouve trois cimetières dont chacun comprend un monument aux morts.

Ainsi, les morts issus des conflits militaires sont-ils honorés par un monument particulier aussi bien à Beslé qu'à Guénouvry, ces deux fractions ou sections de Guémené. D'ailleurs, la liste des victimes de chaque bourg est uniquement indiquée sur le monument propre à ce bourg (ou fraction de commune).

Le monument au morts de Guémené est assez célèbre par son originalité et la qualité de la sculpture qui le caractérise. J'ai abondamment traité ce sujet pour ne pas y revenir. En revanche, celui de Beslé (comme celui de Guénouvry), est introuvable sur les sites Internet (nombreux) qui s'intéressent à la Guerre de 14 et qui, pour certains, s'attachent à la mise en valeur du patrimoine funéraire commémoratif lié à ce conflit ainsi qu'à celle de la mémoire de ses pauvres victimes.

Or, le monument aux morts de Beslé mérite, me semble-t-il, que l'on s'y attarde un peu. Il le mérite, bien sûr pour ceux dont les noms sont apposés sur ses parois, mais également pour son côté, disons : artistique.

C'est ce dernier aspect que je souhaite évoquer avec vous aujourd'hui, me réservant de parler des victimes  de Beslé ainsi commémorées, dans un "post" ultérieur.

Le monument aux morts de Beslé se trouve donc au centre du cimetière face à la petite grille d'entrée qui donne sur la route de Guémené.

A même le sol, un socle précédé de deux obus porte une dédicace à la mémoire des enfants de Beslé disparus dans la fournaise des guerres. Devant, une plaque signale les victimes de la seconde guerre mondiale, tandis qu'une plaque avec une palme de bronze est posée à sa droite.

Le socle supporte une sorte de pilier de base carré qui, sur ses deux faces latérales, présente la liste des morts de Beslé lors du premier conflit mondial et, sur sa face occidentale, offre au passant le spectacle d'un Poilu, les yeux au ciel, portant un drapeau qui ondoie au-dessus de lui. Il est dominé par une croix, à l'intersection des deux bras de laquelle figure une décoration militaire : la Croix de guerre 1914 - 1918.








Je n'ai pas vu de signature de sculpteur (peut-être par inattention) et je ne peux donner le nom de l'auteur de ce Poilu très réaliste.

Quand on observe le détail de ce personnage, on s'aperçoit en effet que tous les éléments de la tenue réglementaire ont été méticuleusement reproduits.

Par exemple, on voit nettement sur la poitrine du soldat, par dessus sa capote (une Capote Poiret croisée apparemment, avec deux rangées de boutons), les cuirs qui le sanglent (brêlage qui sert à porter les armes, les bretelles qui soutiennent le ceinturon).

Les cartouchières (qui contenaient cinq chargeurs de huit balles) étaient fixées par un passant sur le ceinturon. Celle de gauche est masquée par le bras du Poilu et on ne voit que celle à son flanc droit. Normalement chaque soldat en portait trois, dont une dans le dos, assez gênante dans la pratique.

Le casque n'est guère spectaculaire à nos yeux. Pour les curieux, le modèle s'appelle Adrian...


Si vous observez bien les épaules du personnage, vous remarquerez deux espèces de rouleaux. Il s'agit de "rouleaux d'épaule", sortes de pattes de tissus destinées à retenir les bretelles du fusil et de l'équipement.

Les pans de la capote sont relevés. Ils étaient fixés derrière le dos grâce à des boutons. Ils laissent voir le pantalon-culotte et les jambes toutes enrobées dans des bandes molletières. Ces dernières mesuraient de 2 mètres 60 à 2 mètres 75, selon les modèles.

Si l'on est attentif, on distingue en bas du pan de la capote, à droite, à peu de distance de la jambe, un objet longiligne au bout arrondi qui dépasse. Il s'agit du fourreau de la baïonnette ("Rosalie") qui se rangeait dans le dos. Il arrivait d'ailleurs, quand le soldat rampait, que le "quillon" (la garde, qui était recourbée) s'accroche dans les barbelés...: bonjour l'empêtrement !

On distingue nettement à droite (à gauche du Poilu) son lourd havresac posé sur la hanche où le soldat rangeait tout son équipement et ses effets (il pouvait peser 20 kilos !).

Enfin, à gauche de la sculpture, également dans le dos du soldat, on voit poindre comme la garde d'une baïonnette. Mais comme cette garde ne semble pas très alignée avec l’extrémité de cet ustensile signalée ci-dessus, je ne suis pas très sûr de mon fait.

Il reste à dire un mot de la croix ou plutôt de la Croix de guerre. Cette décoration est formée de ce qu'on appelle une croix "patée" (bras s'évasant vers l'extérieur) avec, en diagonales, deux épées, ce qu'on peut voir sur la photo que je montre. En revanche, elle devrait comprendre au milieu une représentation allégorique de la République, avec le bonnet phrygien. Celle qui figure dans le cimetière de Beslé présente à cet endroit une étoile. Une étoile symbolise une "citation" à l'ordre du régiment, de la brigade, de la division...

Bref, on trouve sur ce monument au morts de Beslé bien des choses intéressantes et de qualité.

Je signale un site tout à fait intéressant où j'ai puisé de l'information sur la tenue des Poilus :

http://www.lesfrancaisaverdun-1916.fr/uniforme1024.htm

Bonne lecture.