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dimanche 27 janvier 2013

L'habit (d'église) ne fait pas le patrimoine


Je suis passé à l'église de Guémené ce matin. La messe est à 11 heures. On aurait dit jadis la "grand-messe", mais aujourd'hui il n'y en a plus qu'une, ni grande ni petite, bien contente d'exister encore chaque dimanche.

Je suis venu vers 10 heures pour être tranquille. Le ciel bas éclairait peu la matinée : l'intérieur de l'édifice était particulièrement sombre.

Je crois que je n'ai pas bien regardé, jusqu'à présent, l'intérieur de ce bâtiment où je suis venu peut-être 200 fois avec ma grand-mère, pour les messes de Pâques, les messes d'été, messes dominicales ou d'enterrement.

Et c'est dommage car en dépit des apprences, sous des dehors austères, on y trouve en en scrutant les recoins des choses intéressantes qui participent du patrimoine culturel, artistique et historique de Guémené.,

Il y aurait par exemple un sujet à traiter concernant les vitraux dont certains, au-delà des thèmes religieux qu'ils abordent, rendent probablement hommage à des donateurs ou à des disparus.

Voici par exemple un petit vitrail du bras occidental du transept (chapelle du Sacré-Coeur, il me semble) qui signale à notre attention une famille Plédel de Balleron ainsi que le peintre-verrier ayant exécuté leur commande, en 1892.


Les Plédel était des cultivateurs probablement aisés, originaires de Balleron pour Pierre-Marie, le mari, et d'Orvault, tout près, pour Perrine (Drion), la femme. A l'époque du vitrail, ils vivent avec la mère de madame Plédel et ont un fils né en 1878 prénommé également Pierre-Marie (qui épousera sur le tard - 1921 - une certaine Marie Gaudin). Ils hébergent par ailleurs deux domestiques et sont des "propriétaires".

L'artiste sus-mentionné, Antoine Meuret, dont l'atelier est localisé à Nantes, a essentiellement travaillé pour des églises de Loire-Atlantique (Le Croisic, Rougé, Le Pouliguen, Missillac, Erbray, Grand-Auverné,...), d'Ille-et-Vilaine (Pléchatel, Lieuron, Saint-Just, Sixt-sur-Aff...) ou du Morbihan (Caden, Limerzel, Montertelot,...).

D'autres préoccupations toutefois m'amenaient ce matin, auxquelles je n'ai pu donner suite, faute de lumière. Je me suis donc rabattu sur la chaire déjà explorée dans un précédent post et sur la Pietà qui se trouvent tout près.

Voici donc quelques nouvelles photos de cette fameuse chaire, de détails qui avaient échappé à mon premier regard. La plupart est accompagné d'une phrase en latin que grâce à Google Traduction je vais vous faire l'injure de vous traduire, le mien - de latin - n'étant plus qu'un souvenir évanescent.


 Royaume de France, Royaume de Marie [pas très républicain...NDLR]



Plutôt mourir que le déshonneur [oui, mais de mort lente ! NDLR]


 Où est Pierre, là est l'Église


Il nous a tant aimés


La vérité pour se défendre contre les adversaires

J'ajoute une dernière photo qui est la signature du sculpteur toulousain de la chaire, Bernard Giscard. Cette signature est à la base de l'oeuvre.


De là, il ne faut que quelques pas pour atteindre ensuite la Pietà qui s'encadre dans la longue liste des soldats tombés en 14-18.

A vrai dire, je trouve peu d'intérêt à cette représentation. Mais en m'en approchant, j'ai découvert qu'elle portait une autre sculpture sur la face de sa base.



Cette oeuvre s'intitule l'Absolution dans la tranchée. Un soldat est à terre : il va mourir. Il est entouré de camarades en casquette, sac au dos. L'un soutient le mourant, un autre est agenouillé devant lui. Les autres baissent le regard. Au centre, christique, un autre soldat, de face contrairement aux autres personnages qui sont de profil, domine la scène : est-ce lui le prêtre qui absout ? Pas sûr car il a un fusil lui aussi. Bref, ce n'est pas clair, et la tranchée, comme la scène tout entière, sentent leur théâtre et le carton pâte.




Il ne vous a pas échappé que l'oeuvre est signée : J. Vallet. Il s'agit probablement de Joseph Vallet, sculpteur d'inspiration religieuse né en 1841 à Nantes et mort en 1920. Il ne devait plus être très frais, par conséquent, quand il s'est commis dans ce travail pour l'église de Guémené. Sinon, sa production est visible principalement en Loire-Atlantique (Nantes, Blain, Herbignac, Le Pouliguen, Pornichet, Missillac,...) mais aussi à Cancale et Sommervieu (Calvados).

Voilà pour aujourd'hui, et c'est déjà pas mal !

samedi 26 janvier 2013

Jean Friot, héros français et belge (3)

Il y a beaucoup à dire sur Jean Friot, premier mort guémenois de la guerre de 14, son avenue, Courcelles, le jumelage de 1958, le Boulevard de Courcelles à Guémené, parallèle d'ailleurs à l'avenue Jean Friot.

Je pense aussi à ce spectacle étrange d'il y a longtemps : les Gilles - leur curieux costume, leur musique rythmée (?), leurs oranges - défilant dans Guémené. A cette époque, la curiosité du spectacle ne l'emportait pas sur la curiosité de leur présence : pourquoi étaient-ils là ?

Aujourd'hui je sais, bien sûr.

Non loin de l'endroit où succomba "le vrai" Jean Friot, vit quelqu'un qui dévoue sa vie à tirer du néant de pauvres victimes de conflits qu'elles ne comprenaient probablement pas.

J'en ai déjà parlé et je me suis déjà servi des indications et documents que cette personne m'a transmis.

Près de Courcelles donc, dans la province belge du Hainaut, Jean Marie Aubry enquête, parfois au péril de sa santé (les photos qui suivent sont récentes et il faisait un froid de canard quand il les a prises).

Voici donc, pour finir (?), des clichés qu'il m'a très gentiment autorisé à publier.

Ils concernent essentiellement le monument commémorant le sacrifice de Jean Friot, tel qu'il est aujourd'hui. On y voit aussi le ruisseau que son cheval ne parvint pas à sauter, ce refus d'obstacle lui étant finalement fatal. Et d'autres choses.

Le monument était originellement situé à l'endroit où mourut et fut enterré le cavalier Friot. Sa dépouille (comme on dit) fut ensuite récupérée par sa famille, et puis le monument a été déplacé de quelques centaines de mètres.

On a ensuite gravé dessus, sur ses côtés, de manière assez frustre d'ailleurs mais également touchante, le nom d'autres soldats, des soldats originaires du Nord de la France (voir le site www.memorial-genweb.org) : Henri Cautier (ou Gautier) ; Raymond Lobry ; Léonide Robache ; Alphonse Vandeville. D'autres noms gravés sous la mention "déportés" : Auguste Chataignier ; Emile Watel ; Georges Dufour.

Une seconde palme à été ajoutée, mais la photo de Jean Friot en médaillon a disparu.

On voit ensuite la rue Jean Friot, enneigée, près du ruisseau fatidique puis près de l'esplanade du monument de la Résistance, à Roux, section de Charleroi.

Il faut saluer les efforts de la municipalité de Courcelles et des riverains de Courcelles qui entretiennent vaille que vaille ce monument ballotté par l'Histoire. Et ceux de Jean Marie Aubry qui entretient la flamme vacillante du souvenir.



















samedi 19 janvier 2013

Jean Friot, héros français et belge (2)


Dans ce second article consacré à Jean Friot (cf. post du 13 janvier dernier), premier mort de Guémené en 1914, je voudrais revenir sur les "honneurs rendus" à celui par qui l'hécatombe tragique de la première guerre mondiale fit son intrusion dans la vie des habitants de Guémené, parents, amis ou voisins de soldats au front.

Ces hommages concernent aussi bien la ville natale de ce héros qui s'ignorait, que la ville où il ignorait qu'il finirait.

Jean Friot dispose d'une avenue à Guémené et d'une rue à Courcelles, près de l'endroit où s'acheva sa brève existence.

A Guémené, cette avenue de la périphérie du bourg est bien discrète et n'a rien de particulièrement remarquable. La voici en quelques photos où l'on voit bien que l'on n'est pas sur une avenue monumentale style "Champs-Élysées" : on y décèle comme l'hésitation d'une voirie qui peinerait à s'imposer.

Pour autant, ce coin paisible et assoupi présente au regard qui s'attarde une belle façade de grange ancienne avec, à côté, une jolie entrée de propriété cachée par une frondaison.









 A Courcelles, en Belgique, la rue Jean Friot paraît encore plus perdue. Située près du lieu de la fin tragique du cavalier guémenois, c'est une petite rue délabrée qui fait angle avec la rue de l'Estacade, entre maisons et campagne, comme l'attestent les images ci-dessous.







Évidemment, il n'avait pas choisi de mourir dans un endroit si peu avenant, et il est difficile d'en vouloir à qui que ce soit de ce que la rue Jean Friot de Courcelles n'ait rien de très solennel ou de très célébratif par ses apparences.

Au total, la toponymie des voiries françaises ou belges ne conduit pas à un hommage rendu au pauvre cavalier défunt, qui soit particulièrement remarquable.

Mais Jean Friot est rappelé à la mémoire des hommes par d'autres signes.

C'est sans doute la municipalité belge de Courcelles qui a le plus fait en la matière. Voici d'abord un monument commémoratif assez conséquent par sa taille, édifié à l'endroit où tomba Jean Friot : un enclos renferme une stèle de taille appréciable où figure en médaillon la photo du soldat français "embrassée" par une palme.

La première photo montre le monument une fois achevé, les arbustes qui en peuplent la partie postérieure ayant déjà pris leur essor. La seconde photo est sans doute plus ancienne : rien d'autre que la stèle gravée (avec la palme) y figure dans un paysage désolé.




A Guémené propre dit, aucun édifice ne commémore le héros de Guénouvry dont le nom ne figure pas sur le monument au mort du cimetière. Il faut aller précisément au cimetière de Guénouvry pour y trouver trace de l'épisode qui nous préoccupe aujourd'hui.

Certes, le nom du cavalier est gravé parmi ceux des autres victimes de Guénouvry sur le monument au morts. Mais plus encore, une petite niche vitrée située à la gauche de ce monument recèle un coffret contenant de la terre de Courcelles. Un écriteau à l'encre et à la calligraphie passées, indique que ce coffret a été remis le 22 juin 1958 par la municipalité de la ville Belge, à la faveur des cérémonies de jumelage avec Guémené.





On ne peut cependant s'empêcher d'être un peu surpris par l'implication de la ville de Courcelles à éterniser le souvenir de Jean Friot, plus forte au totale que celle de Guémené (autre signe traduisant d'ailleurs l'impact du décès de Jean Friot à Courcelles : le récit de la mort du jeune français, tel que relaté par un historien courcellois, que j'ai reproduit dans le post précédent)...

Mais enfin, l'esprit de clocher et Guémené l'emportent en ce qu'il existe un Boulevard de Courcelles à Guémené alors qu'on se contente d'une Cité Guémené Penfao à Courcelles...Appréciez la différence :