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dimanche 30 septembre 2012

Viande hachée sur Tréfoux-en-Guénouvry


Voici le terrible récit d'un drame survenu avant-guerre à Guémené, tiré d'un entrefilet publié dans Ouest-Eclair, édition de Nantes.

Le 20 juillet 1935 à 7 heures du matin,  il faisait déjà beau sur les vallons de Tréfoux, en Guénouvry. Cela faisait bon temps que le gars Mahé, 14 ans, était levé et vaquait à ses occupations de valet de ferme.

A cette heure encore matinale, le jeune garçon conduisait tranquillement au champ le troupeau de vaches au Père Louis (Rolland), fermier avec sa femme et ses quatre enfants à Tréfoux, justement.

A un moment donné, bêtes et homme approchèrent le passage à niveau libre qui se trouve près de la gare de Tréfoux, où deux petites pancartes invitent les usagers à la prudence. Mais alors que le troupeau faisait mouvement pour passer la voie ferrée, un train surgit, une sirène rugit : trop tard pour éviter le choc !

Les bovidés inconscients furent happés et broyés. Le mécanicien horrifié bloqua immédiatement ses freins : mais ce n'est qu'après avoir traîné ces paquets de chair saignante sur une centaine de mètres qu'il put s'arrêter.

Arrivant de Nantes et se précipitant sur Rennes, le rapide Bordeaux -Saint-Malo venait de passer, huit vaches venaient de trépasser.


Ma mère, qui vécut à Guémené à cette époque, me racontait ce matin que dans sa famille, comme dans bien d'autres familles pauvres, on n'avait pas souvent l'occasion de manger de la viande. Toutefois, quand dans un village arrivait quelque accident à du bétail, le bestiau était débité et vendu aux voisins.

Nul doute que les 70 habitants du Tréfoux de l'époque, n'aient eu l'occasion de faire bombance à bon compte en ce mois de juillet 1935, aux dépens du pauvre Père Louis Rolland.

Et le chef de gare de Tréfoux, Eugène Beaudoin, perturbé dans son quotidien, eut son compte de biftecks, que lui poêla, ainsi qu'à ses enfants Georgette et Robert, sa femme Anne-Marie.

Noms des rues de Guémené


Jadis, l'entrée par le sud de Guémené s'effectuait par deux ponts de pierre passant le Don. Du premier, devenu impraticable vers 1860, ne restent que les piles sur lesquels repose la passerelle actuelle datant de 1892. Le second pont est la vieille arche de plein cintre appelée Arche de Condé, famille dont dépendait jadis Guémené et à qui des droits étaient versés sur les céréales, les boissons et le bétail qui circulaient par là.

Cette vieille route passait ainsi au pied du Grand-Moulin, longeait le lavoir puis le Grand-Logis et rejoignait la rue Garde-Dieu.






C'est en 1922, par une décision municipale du 5 mars, que Gilles Durand, maire de l'époque, fit, paraît-il, adopter les noms des principales rues.

Il s'agissait des rues de Redon, de l'Hôtel de Ville, de Chateaubriand, des Ponts, du Lavoir, Garde-Dieu, Saint-Clément, de Mirettes, de l'Epée, des Porteaux et de la Chevauchardais. A cela s'ajoutait notre fameuse Place Simon.

Certains noms sont descriptifs et n'appellent pas de commentaire. Mais d'autres sont moins évidents : voici les explications qu'on en peut trouver dans les Annales de Nantes et du Pays Nantais, numéro 140 du premier trimestre 1966. Certaines paraissent tirées par les cheveux, mais enfin...

La rue Garde-Dieu tire son appellation de la présence d'une ancienne maison hospitalière importante, liée au Grand-Logis, où les pélerins, puis les malades pauvres étaient reçus et soignés.



C'est également dans cette rue, près de cet hôpital antique, que ce tient la maison du four à ban (évoquée dans un post précédent à la faveur d'un crime survenu au XVIIème siècle), où, selon l'usage de l'époque féodale, les populations devaient absolument faire cuire leur pain moyennant une redevance au profit de la famille seigneuriale de Bruc, propriétaire du four. Cette famille qui avait droit de justice, tenait également au bourg de Guémené un auditoire (salle de justice) et une prison (près du Grand-Logis).

La rue de l'Epée tirerait son nom, à l'instar de ce qui s'observe dans les lieux marqués par la présence de nombreux gentilshommes, d'une salle d'escrime où ils se seraient réunis. Faut croire que les instruments d'embrochage étaient rares puisque qu'il n'est question que d'une épée...

La rue des Porteaux et celle de la Chevauchardais évoquent des villages qui se sont fait absorbés par le bourg.

Cette dernière étaient autrefois l'amorce de la route de Beslé. Il existait semble-t-il à la Chevauchardais une auberge-relais où les cavaliers pouvaient louer un cheval de selle (permettant bien entendu une chevauchée rapide : de là à y voir un rapport...).

La rue de la Poste fut jadis nommée la ruelle de Bidaudais : la prairie de la Bidaudais servait alors de champ de foire et c'est sur cet emplacement que fut construite l'église actuelle à qui il fallait bien cet espace...

La rue de Mirettes abritait soi-disant les magasins pour les élégantes du bourg et des châteaux environnants. Il paraît qu'elles devaient écarquiller les "mirettes" pour apprécier la marchandise, en cette ruelle étroite et sombre (si, si !).



La place Simon doit son nom, comme on sait, à la dynastie de maires  (6 !) et de députés (3 !) qui a marqué l'histoire politique moderne de la cité.

L'article dont je m'inspire très largement est signé des initiales d'Alfred Gernoux, à cette époque président de la Société Académique de Nantes et de Loire-Atlantique dont les Annales étaient l’organe. 

Alfred Gernoux était né à Noyal-sur-Brutz en 1892 et mourut à Nantes en 1973. C'était un instituteur qui devint ce qu'on appelle un "érudit". Auteur prolifique, il se passionna pour l'histoire locale et se fit son propre éditeur avant la seconde guerre mondiale. Voici des éléments de sa bibliographie :

La Belle Madame de Senonnes (1931) ; La Sylne castelbriantaise (1934) ; Carrier-le Maudit (1935) ; La Révolution au pays de Châteaubriand (1936) ; Le Maquis de Saffré (1946) ; Châteaubriand et ses martyrs (1946), et d'autres titres antérieurs qu'il auto édita : la Mère de Victor Hugo, le Serment d’un Breton, la Chouannerie de 1832, les Pionniers de l’enseignement public dans l’arrondissement de Châteaubriant.


Je joins à ce post des photos du bas Guémené, prises lors d'une promenade qui m'a conduit de la Place Simon à la Passerelle, en passant devant le Grand-Logis, le Grand-Moulin et le Lavoiril y a quelques semaines de cela. On y voit notamment, au vieux Lavoir pavé de pierres bleues, les fourneaux où devait bouillir le linge. Le spectre de ma Grand-mère Gustine hante ces lieux délaissés non loin desquels elle dut naître, et je l'imagine à genou dans sa boite-sabot de bois, vêtue de noir, battre les draps d'un mouvement vigoureux...















samedi 29 septembre 2012

Rentrée littéraire guémenoise (2)


Je viens de lire Pourquoi m’as-tu abandonné ?, seconde lecture d'une oeuvre de la fratrie Cochetel, à savoir un roman de Léandre junior cette fois, après celui de sa sœur, Michelle Delpérier, dont j’ai parlé dans un post récent.

Avec cette dernière, on découvrait l’expérience douloureuse d’une petite fille de Guémené, boiteuse, envoyée pour se faire opérer et soigner au Centre de Pen Bron, à la Turballe, à l’extrémité de la plage qui part du port de cette localité jusqu’au Traict du Croisic (merci ami du blog pour m’avoir fourni cette localisation). Plongée déprimante dans un univers de martyrs et de cauchemars d'enfants.

Avec le livre de Léandre, on change de registre, tout en demeurant dans le genre autobiographique. Il s’agit d’un long monologue romanesque avec Dieu pour seul témoin et accusé, où s’entremêlent les souvenirs douloureux de la guerre d’Indochine, où servit l’auteur, avec ceux, non moins pénibles, de son enfance à Guémené rue de l’Epée (la rue des fous, selon le romancier), ponctués des violences conjugales d’un père qu’il peine à haïr, et des traits pathétiques de la mère qu’il n’arrive visiblement pas à aimer complètement.

D’autres réminiscences tristes s’ajoutent au contrepoint français du drame militaire d’Extrême-Orient : l’amour perdu d’une mystérieuse Madeleine, les humiliations du collège à Nantes, évocations fugitives de déceptions qui s’ajoutent aux peines liées aux scènes de ménage subies.

le roman décrit la vie de militaire du jeune héros en différentes parties du Vietnam où il est affecté. Il y a quelque chose de Bardamu, le héros du Voyage au bout de la nuit de Céline, dans ce « héros guerrier» qui traverse le monde moite des tropiques, des rizières ; le monde moite de la prostitution généralisée et des trafics de toutes sortes ; le monde moite de la peur et de la mort.

Le jeune militaire ne vient en Indochine pour aucune cause civilisatrice ou politique, et il prend la vie et l’amour comme ils se présentent. La mort aussi.

L’un des épisodes les plus forts se trouve à mon avis dans la première partie de l’ouvrage. Membre d’un commando de bagnards volontaires pour une mission dangereuse, le jeune Léandre est capturé par le Vietminh avec plusieurs camarades. S’ensuit une marche dans la jungle humide, nu, et un court séjour dans un village autochtone où ses camarades meurent bientôt, brutalisés, épuisés, torturés. Lui seul réussit à s’enfuir par le fleuve qui le ramènera à Hanoi. Le prix de cette évasion sera fait de haine et d’amour, de repentir aussi.

Quelques pauses d’apaisement, parfois, dans une rencontre, tels ces moines (des nonnes, en fait) bouddhistes à qui il va apprendre le français, un temps ; l'une d'entre elles avec qui il entretient une liaison sans lendemain, bien sûr ; des enfants aussi, parfois emplis de traîtrise.

La dernière partie réserve encore des morceaux de bravoure, à travers deux scènes hallucinées où s'exprime un vrai talent littéraire.

Par une nuit sans lune, le père et le fils reviennent de bordée, fin saoul de cidre à l'éther. Sous un Christ de calvaire abreuvé de crachats, le père dans le fossé et dans son vomi, surgissent de la nuit la Grande Jeanne et sa petite-fille. Passe la vielle souillon vociférant au monde, la petit-fille marque la station avec le jeune Léandre dans des étreintes impies.

Sur le bateau qui le ramène d'Indochine avec deux cents bidasses qui pourrissent dans leurs cercueils à fond de cale, le jeune militaire écorché se bat  sur le pont du bateau avec un adjudant-chef. Tandis qu'il lui serre le cou de toutes ses forces, c'est tout Guémené qu'il étrangle : les tondeurs de la Libération, les bonnes gens qui assistaient en rigolant au spectacle des danses que le père flanquait à sa mère, les "camarades" de classe qui se moquaient, etc...

On pense encore à Céline, celui de Normance peut-être.

Le titre du roman fait référence bien entendu aux paroles du Christ au Golgotha. A l’évidence le Léandre Cochetel de l’époque entretenait une relation forte avec Dieu, que ses malheurs d’enfance et de militaire semblent avoir toutefois quelque peu ébranlée... Il y a néanmoins dans cette apostrophe comme un dernier espoir de réponse optimiste, de sens.

Si la première partie du texte est parfois difficile à suivre, peut-être par débordement de rage et de souffrances, le roman s’assagit sur la forme dans sa seconde partie et forme un ensemble bien plus qu'intéressant.

On le trouve parfois chez les bouquinistes du web. Bonne lecture, à l’occasion.



dimanche 23 septembre 2012

Fête Dieu


Parmi les nombreuses choses qui ont fait de Guémené un endroit "exotique", dans mon enfance, il y a la religion. Non pas que mes parents ne s'y intéressaient pas (mon père surtout, en bon italien), mais il y avait là quelque chose de particulier, une ferveur ritualiste et démonstrative, morbide aussi, qui n'avait rien de commun avec la religion sobre et un peu intellectuelle de Paris, circonscrite à la messe du dimanche et à un catéchisme tellement léger (heureusement !) que c'est à peine si je me le rappelle.

A Guémené, on ne se posait pas de questions : on allait à la messe le dimanche, à la Grand-messe ou à celle de 10 heures et il fallait "s'habiller" ; on allait à tous les enterrements possibles et imaginables ; l'église d'ailleurs était plus grosse et plus centrale qu'à Paris ; les crucifix étaient partout dans les maisons, parés de buis à la saison, comme les calvaires au bord des routes ; les gens chuchotaient sur les divorces, sur des extrêmes onctions, sur des baptêmes ; monsieur le curé en habits sacerdotaux ; les hommes se passaient du tabac à la fin de la messe.

Laissé aux mains de ma Grand-Mère Gustine et de ma tante Madeleine-qui-m'a-élevé (ah, regrettée Dédeine...), pendant les deux trois mois de l'été, j'ai pu goûter à pleines dents à tout cela et m'en repaître.

Dans ma boite à photos "noir et blanc", il y en a une que je voudrais vous révéler. Elle me paraît typique de ce que j'évoque puisqu'il s'agit de la procession de la Fête-Dieu.

Je n'ai bien entendu jamais participé à quoique ce soit de semblable à Paris, et je jure mes grands dieux que ce fut la dernière occasion aussi (enfin, je crois).

A vrai dire, je n'ai pas de souvenir précis de ce défilé, à l'endroit où je suis saisi par le ou la photographe. Je me rappelle toutefois un départ de Fête-Dieu, au bas du Boulevard de Courcelles, devant la maison du docteur Hermon ou près du Calvaire. En fait, je ne connaissais pas beaucoup des enfants présents et les bonnes soeurs étaient un peu énervées à mettre ce petit monde en branle...

C'est de cette même Fête-Dieu, sans doute, que sort donc la photo que voici :



J'ai vraiment de la chance, car mon petit corps tout blanc du dimanche se distingue bien sur la longue cape sombre de la bonne soeur ! Admirez mes chaussettes blanches et mes petites mains gantées de blanc aussi ! Certes, je fais la tête, mais je suis si jeune...Et puis les autres garçons n'ont pas de gants : pourquoi ?

On reconnaît bien sûr l'endroit : l'Economique au fond, à l'angle de la place de l'Église, permet de se situer parfaitement. D'après l'ombre portée et l'éclat des façades, on est sans doute en fin de matinée.

Nous sommes le 20 juin 1960, selon toute vraisemblance, j'ai trois ans et demi : des enfants marchent pour le bon Dieu, tenant la corde, dominés par une nonne belphégoresque à la silhouette d'évêque grec orthodoxe.

Par le plus grand des hasards, ma mère me parlait ce matin de la famille Cochetel, les sabotiers de la rue de l’Épée. Et là, sans que je la sollicite, elle se met à dévider des souvenirs de l'entre-deux guerres.

Elle parle en regardant au loin par la fenêtre (c'est par là, à l'horizon, que se trouve le pays des souvenirs) des filles Cochetel qui avaient des cheveux si beaux qu'on les prenait toujours pour faire les anges à la Fête-Dieu. Nous y revoilà.

De fil en aiguille, son souvenir glisse sur la "mère" Cochetel dont elle parle avec respect. Une fille Nael dont les parents tenaient le café sur la rue de Beslé, celui où l'on s'arrêtait après les enterrements (le café Paillaud - PaillAo en patois - où madame Paillaud m'offrait des grenadines, elle qui éclatait de rire sans cesse). 

Elle me parle d'une "intellectuelle"....Une anecdote s'en suit : ma Grand-Mère Gustine travaillait à droite à gauche, lavant le linge pour Christiane à La Hyonnais, servant chez l'épicière, aidant dans les familles. Peu la déclaraient et sa situation était embrouillée au regard de l'Assistance Sociale...Et c'est la "mère" Cochetel" qui avait entrepris de l'aider à démêler ses affaires. Le monde solidaire est petit.

Elle eut bien de la misère, cette femme, si l'on en juge par ce qu'écrit son fils Léandre dans son roman "Pourquoi m'as-tu abandonné ?", et bien du mérite aussi, d'après ce qui se dit (et se lit) de la bonne éducation de ses enfants.

Je ne sais pas qui sont les enfants qui marchent dans les rues de Guémené sur la photo, en principe sur des pétales de roses, les angelots du bon Dieu mobilisés pour une cause qu'ils ne comprennent pas, enfants soldats du Christ. Mais j'ai un peu l'impression que la belle histoire de la Fête-Dieu, c'est, du coup, l'histoire révélée de la bonté de madame Cochetel pour ma Grand-Mère Gustine.

Fête impériale à Guémené


En 1856, une circulaire inspirée par l'Empereur Napoléon III et relayée par les autorités préfectorales et sous-préfectorales, enjoint les maires de célébrer comme il se doit un heureux évènement national.

En effet, Louis Napoléon, fils de l'Empereur et de l'Impératrice Eugénie est né le 16 mars (non sans mal d'ailleurs, les forceps laissant quelques traces au front du jeune héritier de la couronne), premier et dernier fils de leurs Majestés Impériales, et le baptême a lieu en grande pompe le samedi 14 juin de la même année, à Notre-Dame de Paris - parrain le Pape, marraine la reine Victoria (en tout cas sur le papier, car tous deux se firent représenter). Bref, du lourd.

Je ne m'étendrai pas sur cet illustre nouveau-né dont la carrière fut brève. Papa Napoléon s'étant pris une raclée par les Prussiens, tout ce beau monde se réfugia en Angleterre. Le jeune Napoléon IV (l'Impérial Papa cassant sa pipe en 1873), devint officier anglais et alla, pour finir, se faire transpercer par des Zoulous en Afrique du Sud, âgé de 26 ans.


Impérial Bambin de 8 ans

Revenons à Guémené. Le Maire Simon, quand il reçoit l'Auguste injonction transmise par le sous-préfet, est bien un peu embêté : le Conseil Municipal ne se réunit que rarement à l'époque (quelques sessions de plusieurs jours consécutifs, quelques fois par an) et rien n'est en vue avant septembre : il lui faut prendre une initiative personnelle, sauf à rater le coche. Mais son attachement à la cause impériale (les maires sont désignés par le pouvoir central à l'époque, pas élus) suffit à lui faire prendre les bonnes mesures, même sans délibération de son Conseil.

Il va donc trouver d'abord le boulanger Pierre Hamel qui exerce au bourg. Il lui explique que comme la circulaire du sous-préfet recommande de distribuer des secours aux malheureux, des bons de pain seront remis aux indigents qui iront se fournir chez ce boulanger.

Mais ce ne saurait être que la fête des ventres pauvres : ce sera donc aussi celle des yeux de tous. A cet effet, le Maire se rend chez Madame Fillodeau, jeune marchande de 37 ans, où il commande les matériaux d'un feu d'artifice.

Et comme si cela ne suffisait pas, il achète auprès de monsieur Bonnaffé, vieux buraliste-receveur de 72 ans vivant avec son épouse et sa fille, de la poudre, pour un usage festif qui m'échappe (je ne pense pas quand même qu'on ait tiré au canon...).

Sans doute le dimanche 15 juin fut-il le cadre des réjouissances, car le bon peuple des campagnes, venant faire provision de religion et de tabac, se trouvait assemblé en grand nombre dans le bourg.

Ce n’est que le 14 septembre suivant que se réunit le Conseil Municipal. Je vous en donne la composition, peut-être y reconnaîtrez-vous quelque parent : outre M. Simon (maire), MM. Desvaux, Tessier, Amossé, Bernard, Alliot, Amossé (bis !), David, Durand, Perrigot, Clavier, Chénet, Bignon et Houis constituent l'assemblée ce jour-là (certains manquent).

Ces treize apôtres communaux vont donc entendre les explications du maire qui leur présente en fait les factures à valider : 118fr.50 de pain, 4fr.30 de feu d'artifice et 0fr.80 de poudre. Pas de quoi fouetter un magistrat municipal.

Mais que l'on se rassure la fête ne sera pas gâchée, même a posteriori : ainsi qu'il est consigné au livre des délibérations, le Conseil s'associe aux vues du maire et vote à l'unanimité le paiement des susdites factures...

samedi 22 septembre 2012

Journée des patrimoines


Dans ma géographie mentale et mémorielle, le Pays de Guémené englobe Pléssé, comme Conquereuil ou le Grand-Fougeray : il suffit d'une escapade, d'une parente, que sais-je...

C'est donc sans appréhension que, dans le cadre de la Journée Européenne du Patrimoine, dimanche passé, j'ai englobé dans mes recherches de sites inconnus à visiter, ceux qui pouvaient se trouver à Plessé où résidait jadis "la" Tante Jeanne et le Tonton Théo dont il faudra bien que je parle un jour.

Il n'y en avait qu'un de ces sites, d'ailleurs : la Chapelle Royale de Carheil.

Je vous passe l'historique du site et l'agonie du château monumental, pillé puis incendié en janvier 1945, aujourd'hui rasé, qui trônait sur une grande esplanade au milieu d'un domaine boisé extraordinaire, aujourd'hui loti entre 300 résidents aux maisons parfois bizarres.


Pour des raisons politiques (séduire la Bretagne légitimiste et catholique...), le roi Louis-Philippe décida d'ériger sur ce site qui appartenait à son fils une magnifique chapelle. Ce qui fut fait dans les années 1840. Par rapport à la photo ancienne, ci-dessus, qui montre le portail du château, l'étang qui le précède, les communs (à droite et à gauche) et le monument lui-même, la chapelle se trouve au fond à droite, cachée, assez loin derrière les arbres, à l'angle de l'esplanade du château.

Voici deux autres photos, de mon cru, qui la révèlent dans sa splendeur ensoleillée.



Aujourd'hui, la chapelle, qui n'est plus consacrée, appartient...aux 300 copropriétaires du domaine - dont l'un d'entre eux nous fera la visite commentée -, et n'est donc visitable que très rarement. 

Mais quoi de mieux que des clichés pour en découvrir tout l'attrait et toutes les richesses extérieurs et intérieurs : tableaux de peintres réputés à leur époque (assurés pour 1 million d'euros, nous a précisé notre cicérone d'un jour....) ; vitraux d'après des cartons d'Ingres et d'Auguste Hesse ; magnifique plafond de bois à caissons ; mécanisme de l’horloge extérieure ; façade étriquée et claire qui lui donne un petit air italien ; jusqu’à une vue de son sous-sol qui révèle que le plancher, fragile, est pathétiquement étayé ? Voici :

















On trouvera à la fin de ce post d'autres clichés montrant les communs et l'entrée de l'ancien château.

Permettez-moi, en attendant, de philosopher sur la patrimoine de Guémené, non pas ses monuments (il y en a, nous le savons), mais certain aspect de son patrimoine coutumier. Certes ce que je veux évoquer n'est généralement pas très coté par la morale, et n'appartient pas en propre à notre commune, mais il faut bien admettre qu'on a bu, que l'on boit et que l'on boira à Guémené.

On trouve cela d'ailleurs assez naturel par chez nous, et sans aller chercher chez les autres des arsouilles qu'on trouve facilement dans sa généalogie, je dois bien admettre que mon grand-oncle François, tombé sur le bord du Boulevard de Courcelles par une nuit sans lune le 1er janvier 1940, à la veille de partir défendre la Patrie et de devenir un Héros, mort au Champ de Patates plutôt qu'au Champ d'Honneur, n'avait sans doute pas fait que sucer des glaçons. Paix à son âme.

Je ferais preuve d'iniquité au demeurant, en stigmatisant abusivement cette pratique, car je me repais encore de l'odeur douceâtre et terreuse des celliers où, au cul de la barrique, jadis, le cidre aigrelet et trouble circulait dans un même verre.

Aussi, il serait injuste de dire qu'en allant à Plessé contempler la Chapelle Royale du p'tit père Louis-Philippe, j'ai totalement déserté l'ardente nécessité de m'incliner sur le patrimoine guémenois. Qu'on en juge par ce que j'ai pu "admirer", planté par un hasard ironique sur l'esplanade du château, tout à fait à l'opposé de la chapelle !


Eh oui !..

Et maintenant finissons par quelques photos promises des alentours de feu le château de Carheil :