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lundi 9 avril 2012

L'étrange mort de Maître François Poulain


"Le corps de Maître François Poulain ayant été trouvé gisant mort dans ce bourg pas loin du four à ban par un assassinat le mercredi matin au troisième jour de novembre 1655 [...] son corps a été mis dans le cimetière en terre sainte de notre église de Guémené le dit jour que devant.

Félix Menuet, son vicaire soussigné."



 
Cette image du Guémené de 1830 fournit une idée du Guémené de 1650. Maître François Poulain était un notable, artisan ou notaire, on ne sait. Il mourut misérablement, tué derrière une maison où se trouvait le four "communal" située au croisement des rues actuelles de l'Epée, St Clément et Garde-Dieu.
  
Voici ce qu'en dit Léon Trivière, jadis prêtre des Missions étrangères, compilateur d'histoires autour du vieux Guémené :

"Derrière la maison longtemps habitée par la famille Pinczon, en face de la maison de la Garde-Dieu, se trouve un jardin qu'on appelait autrefois la cour du four à ban.
 

C'était là en effet que se trouvait le four banal appartenant au Seigneur de Bruc. Tous les habitants de la seigneurie étaient tenus d'y faire cuire leur pain moyennant une redevance appelée droit de fournage. Le droit de four banal était en effet un droit seugneurial par lequel le seigneur obligeait ses sujets à faire cuire leur pain au four à ban moyennant une taxe.
  

Il pouvait aussi confisquer à son profit les pains dont la cuisson avait eu lieu ailleurs qu'au four banal et il avait encore le droit de détruire tout four construit sur ses terres sans son autorisation.
   

La farine devait être apportée un certain nombre de jours à l'avance, souvent trois jours et trois nuits. De son côté, le seigneur était tenu de cuire le pain dans un délai fixé et répondait d'autre part de son fournier."
 
in Souvenirs du Vieux Guémené
Premier fascicule
R.P. Léon Trivière
   
Sans doute, de nuit, l'endroit était-il discret et propice aux affaires mystérieuses. Une dette, probablement, trouva ainsi son épilogue, dans l'obscurité, à l'endroit - après l'église - sans doute le plus fréquenté du bourg, de jour, par des générations de guéménois asservis à la féodalité.

samedi 7 avril 2012

Morts de 14 18 : qui étiez-vous ?

Les morts de Guémené lors du premier conflit mondial sont près de 200 (pour une population de plus de 6000 habitants).
 
Pour 181 d'entre eux, on dispose d'informations : âge, régiment, date de décès, grade,... : voici donc quelques éclairages sur ces oubliés.
 
1/ Répartition chronologique de la mortalité
 








A part 1917, la mortalité est sensiblement aussi élevée chaque année du conflit. L'entrée en guerre a été particulièrement meurtrière, août et septembre 14 constituant des records mensuels de "pertes".

L'hiver et le début du printemps se sont avérés des périodes moins létales que l'été. On mourait donc plus à la belle saison et à l'automne, propices aux attaques.
 
Mais il est vrai aussi qu'à la mauvaise saison ,dans les tranchées, on souffrait beaucoup du froid, de l'eau et de la boue, quand on ne mourait pas.


Souffrir ou mourir. Souffrir puis mourir.


 
2/ Répartition des décès par âge
 



Le plus jeune mort de Guémené avait 18 ans : il s'appelait Julien PASSARD et était caporal. Ce fut aussi l'un des premiers à mourir, puisqu'il fut tué dès le 22 août 1914.


Le plus âgé avait 45 ans et s'appelait Jean Louis BENOIST (sa notice "MPLF" est contenue dans un post antérieur). C'était un simple soldat, tué en 1916.


Les classes d'âge la plus représentées parmi les victimes guéménéennes, sont les jeunes hommes de 20 à 23 ans : à elles 4, ces classes pèsent plus du tiers des décès. Et 22 des 181 tués recensés n'avaient que 20 ans.


3/ Répartition des décédés par grade 
 



Sans surprise, les hommes de troupe, simples soldats, forment l'essentiel des victimes, tout au long de la guerre. Puis ce sont logiquement les caporaux (13) et les sergents (7). On compte quand même 3 lieutenants.


4/ Unités combattantes des victimes


Les 181 morts de 14-18 étaient éparpillés dans 90 unités combattantes. Toutefois 5 de ces unités ont porté un quart des décès ; 7, un tiers et 14, 50%.


Voici quelques données sur ses 4 les plus mortifères :

* Le plus gros contingent provient du 65ème Régiment d'Infanterie (16 morts). Ce régiment tenait garnison à Nantes et la grosse majorité de son recrutement était originaire du Finistère, du Morbihan, de Vendée et de Loire-Inérieure (L.-Atlantique). Parti sous les acclamations et les fleurs, il commença sa guerre fin août 14 en Belgique, et la termina à Vouziers dans les Ardennes.


* Le 116ème Régiment d'Infanterie vient ensuite (10 morts). Au moment de la déclaration de guerre, ce régiment était en garnison à Vannes et détachait un bataillon à Morlaix et deux compagnies à Auray. 

Il était composé presque exclusivement de Bretons, auxquels se mêlaient aussi des Vendéens et quelques Parisiens. Il partit le 7 août de Vannes "salué par les acclamations de la population et les autorités de la ville" pour se diriger vers la Belgique.

Il acheva son "épopée" par un ultime exploit à St-Quentin-le-Petit, dans les Ardennes. Au total et sur l'ensemble du conflit, cette unité aura perdu 1649 personnes.

* Le 70ème Régiment d'Infanterie prend la 3ème place du "podium" (8 morts). Il tenait garnison à Vitré. Arrivé en Belgique fin août 14, il commence par la défense des ponts d'Auvelais et Tamine entre Charleroi et Namur, et termine la lutte dans la région de Soissons, 4 ans plus tard au prix de la perte de 2205 hommes.


* Le 93ème Régiment d'Infanterie vient ensuite (7 morts). Ce régiment était basé à La Roche-sur-Yon. Son premier fait d'armes eut lieu vers Maissin en Belgique à 50km au Nord-Est de Charleville-Mézières et le dernier, vers Charleville-Mézières précisément...

dimanche 1 avril 2012

Prêtres de Guémené vers 1630 - 1640


Au XVIIème siècle, on dénombre une grande quantité de prêtres. Il y a d'abord le recteur, souvent un étranger à la paroisse et une kyrielle de vicaires, chapelains....qui le plus souvent sont les rédacteurs et / ou les signataires des actes inscrits au registre paroissial. Leurs noms sont des noms du pays.
 
A cette époque, l'Eglise, ébranlée par les schismes et querelles du siècle précédent, lancée par le Concile de Trente, dont la dernière session se clôt fin 1563, vers sa réforme notamment en matière de formation des prêtres, commence de mettre en pratique ces préceptes sur le terrain. Cependant, à Nantes, ce n'est qu'en 1621 que des prêtres de l'Oratoire (Bérulle) reçoivent mission de préparer les futurs ordinants du diocèse par des retraites.
 
En 1642, l'évêque de Nantes - dont relève la paroisse de Guémené - acquiert un logis au faubourg St Clément, la maison de Malvoisine, dont il veut faire un séminaire. Cinq ans plus tard, il fait appel à la compagnie des prêtres de St Sulpice pour le diriger.
 
Les futurs prêtres sont pensionnaires pendant 2 ou 3 ans, par trimestre ou semestre, pour des retraites spirituelles : l'ordonnance des cérémonies, le chant, la pédagogie du catéchisme, la résolution des cas de conscience. Pour la théologie et la philosophie ils suivent les cours à l'extérieur.
 
On peut penser malgré tout qu'une bonne part de la formation des vicaires se faisaient sur le tas, dans la paroisse, surtout les prêtres de Guémené dont je vais fournir la liste, qui appartiennent à la génération précédente.
 
 
Enfin, il faut se rappeler que Beslé était une sorte de succursale paroissiale autonome de Guémené, une "trêve".

Eugène Armand Amossé, MPLF



Il y a 97 ans, le 28 mars 1915, Eugène Armand Amossé s'éteignait.
 

Le destin d'Eugène Armand Amossé ressemble à bien des égards à celui des dizaines d'autres guémenéens massacrés à la guerre. Mais le hasard de son affectation et les circonstances de sa mort, pour peu qu'on les approche, ont pour conséquence que l'on peut, par la littérature, se faire une idée de l'enfer dans lequel il a été plongé. Voici quelques éléments.


éléments biographiques :

Eugène Armand est né le 11 mars 1891 dans le village de Coisfoux, à 1 km au nord-est du bourg de Guémené. C'est le fils de Louis Marie Amossé et d'Anne Marie Hardy. Le papa est d'une vieille famille de Guémené ; la maman, née à Derval, descend d'une famille de St-Mars-du-Désert, bourgade au sud de Nort-sur-Erdre.

Ce sont des cultivateurs. Eugène Armand a deux soeurs cadettes, Germaine et Armande. C'est un cousin très éloigné de mes grands parents.

 - parcours militaire :

Eugène Armand est affecté au 106ème Régiment d'Infanterie, et ce sera d'ailleurs le seul guéménéen tué, issu de ce régiment. Son casernement se situait à Châlon-sur-Marne, au camp de Mourmelon. Comme bien d'autres, ce régiment se porte vers Charleroi au début du conflit et se retrouve dans la Marne fin 1914, notamment aux Eparges où le régiment va rester tous l'hiver et au début du printemps 1915.

- la fin :
  

Il serait vain de ma part de vouloir évoquer l'épisode des Eparges où Eugène Armand Amossé fut blessé. Des écrivains ont illustré ce point mieux que je pourrais le faire. Il faut lire les récits admirables, justes et émouvants de Maurine Genevoix, en paticulier "les Eparges" que l'on trouve dans le recueil des cinq titres qu'il a consacré à ses 8 mois de guerre, "Ceux de 14".


De même, le site du "chtimiste" consacré à la guerre de 14-18 apporte à nouveau des indications précieuses sur la bataille des Eparges :

http://chtimiste.com/batailles1418/combats/1915eparges.htm

Je me permets d'en reprendre quelques bribes :


 "Mais qu'étaient-ce donc que ces Éparges dont on a tant parlé pendant et après la guerre?


Rien, en fait, de bien extraordinaire : une simple crête, un long éperon situé sur les côtes de Meuse, à peu près à égale distance entre Verdun et Saint-Mihiel, au-dessus du village des Éparges qui a donné son nom à ce terrible coin du champ de bataille.


La crête des Éparges dominait, d'une part, vers l'est, toute la plaine de la Woëvre et, d'autre part, vers l'ouest, toutes nos organisations défensives ; d'où, pour les deux adversaires, Allemands et Français, un intérêt de premier ordre à s'en assurer la possession.










A l'époque dont nous nous occupons les Allemands tenaient cette crête, et l'avaient organisée de telle façon, qu'ils pensaient bien pouvoir y résister à toutes les attaques françaises."


 













En fait, la guerre s'est enlisée dans les tranchées, la guerre de mines et de contre mines : le commandement français estime qu'il faut attaquer ne serait-ce que pour fixer des réserves allemandes sur le front occidental et soulager l'allié russe. 


L'attaque de la crête des Eparges débute à la mi-février 1915 et se poursuivra jusqu'à la prise de la crête en avril. Eugène Armand Amossé fut l'une des nombreuses victimes (600) des combats de mars.


Blessé, Eugène Armand Amossé fut hospitalisé à l'hôpital temporaire n°1 de Verdun, ancienne Ecole Normale d'Institutrices, qui comprenait 210 lits, où s'acheva sa vie.


Il est enterré à la Nécropole Nationale Faubourg Pavé à Verdun, tombe n° 1913, un parmi 5516.
 

- bibliographie :
 

* Ceux de 14, Maurice Genevoix
Première édition en 5 vol. : Flammarion, 1916-1923 ( Réédition poche : Points-Seuil n° 231, 1996)


* Lettres d'un soldat, Eugène Lemercier
Chapelot, 1916 (Réédition augmentée : Berger-Levrault, 1924 ; B. Giovanangeli, 2005)
 
* Journal des Marches et des Opérations du 106eRI
site :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/spip.php?article59